Le présent amendement exclut toute dérogation au principe de l'interdiction du travail le dimanche pour les apprentis de moins de seize ans.
Il y a cent trente-deux ans, aux termes de l'article 5 de la loi du 19 mai 1874 « Les enfants âgés de moins de seize ans [...] ne pourront être employés à aucun travail, par leurs patrons, les dimanches et fêtes reconnues par la loi, même pour rangement de l'atelier ».
En 1906, une loi instituait le repos dominical pour tous.
En 2005, un siècle plus tard, le 18 janvier exactement, une loi instaurait une dérogation à ce principe pour les apprentis de moins de dix-huit ans. Le but, tout à fait avoué d'ailleurs, était de contrer plusieurs arrêts de la Cour de cassation du 18 janvier 2005 condamnant avec fermeté la tendance du Gouvernement à multiplier les circulaires dérogeant au principe d'interdiction du travail des apprentis le dimanche.
Avec la création de la formation de l'apprenti junior, des enfants de quatorze ans travailleront, eux aussi, le dimanche.
Le projet de loi ne prévoit, en effet, aucune disposition spécifique pour eux, et ils seront donc soumis au même régime que leurs aînés. C'est un recul en termes de progrès social !
S'agit-il encore de satisfaire les employeurs ?
La bonne marche du secteur de l'artisanat où l'activité est importante le dimanche ne devrait tout de même pas être menacée par une telle interdiction, le nombre d'apprentis de cette catégorie d'âge ne devant pas être important !
Si l'apprentissage devient une voie d'orientation massive, ce sera véritablement une remise en cause de tout notre système éducatif. Ce sera peut-être le cas, car le Gouvernement a fixé à 500 000 le nombre d'apprentis en 2009, contre 360 000 en 2003. Il compte sans doute combler cet écart en sortant les enfants du système scolaire habituel dès quinze ans, voire dès quatorze ans.
Ces enfants risquent d'être livrés au marché du travail à des conditions bien plus dégradées que le reste des salariés. Quels contrôles seront réellement effectués le dimanche ? Peut-on être sûr qu'un encadrement sérieux sera mis en place ?
Il y aura des excès, des dérives, des accidents de travail. Les abus sont déjà réels, et un jeune de quatorze ans osera difficilement se plaindre face à un patron peu scrupuleux.
Le rythme biologique des enfants n'est pas le même que celui d'un jeune adulte. Un jeune aura-t-il la force de poursuivre sa formation théorique après son travail en entreprise ou en atelier ?
C'est pour respecter ce rythme biologique spécifique des adolescents en pleine croissance que, jusqu'à présent, les apprentis mineurs qui travaillent le dimanche ne doivent travailler ou aller en cours ni le lundi ni le mardi. Un repos de quarante-huit heures doit être respecté. Mais cela changera peut-être aussi. D'ailleurs, des dérogations existent déjà, puisque certains apprentis ne bénéficient que d'un repos de trente-six heures.
Ces apprentis de quatorze ans auront une vie complètement différente de celle de leurs camarades du même âge, des autres élèves de collège, une vie décalée. Ils vivront dans un monde à part. Ils ne verront pas non plus leurs parents qui, eux, seront à la maison le dimanche et au travail la semaine.
Je force le trait, mais mon argumentation contient véritablement des éléments de réalité, et je suis persuadé que cette mesure donnera lieu à de tels constats.
C'est la raison pour laquelle nous devons absolument empêcher que ne se produisent ces dérives en réaffirmant le principe d'interdiction du travail le dimanche pour les enfants de quatorze ans.
Certes, le débat a déjà eu lieu la semaine passée, mais nos interventions ont permis aujourd'hui de clarifier certaines interprétations, notamment sur la santé ; je pense à la remise en cause de certains points de la circulaire qui a été publiée.
Tel est le sens de cet amendement.