Nous pensions qu'une réforme du collège était nécessaire, le Gouvernement ayant déjà engagé la réforme du primaire. La loi de refondation de l'école rappelait les difficultés rencontrées par 25 % des élèves à l'entrée au collège ainsi que la nécessité de commencer par le premier degré.
Depuis la loi Haby et la création du collège unique, on s'est contenté de mettre les élèves dans le même lieu pour que tous accèdent à une culture scolaire parfois très éloignée de leur culture familiale. Or les parcours demeurent fortement corrélés avec l'origine sociale des élèves. La réforme était donc nécessaire.
Encore fallait-il partir du bon diagnostic. Quels sont les problèmes du collège ? Les taux d'encadrement se sont effondrés entre 1999 et 2010. Ensuite, il est difficile de différencier les situations d'apprentissage, du fait du peu de moyens disponibles pour constituer des petits groupes et ainsi mieux prendre en compte les élèves en difficulté.
La loi de refondation prévoyait que les collèges puissent disposer d'une marge de manoeuvre dans la gestion de leur dotation horaire globale (DHG) et que des projets puissent permettre une plus grande transversalité - dans le cadre d'expérimentations et sur la base du volontariat.
Or, qu'a-t-on vu ? Les négociations ont été bâclées. Nous sommes confrontés à la volonté d'imposer une autonomie qui n'est pas celle des équipes mais celle des chefs d'établissement. Ces derniers devront faire des choix qui mettront en concurrence à la fois les disciplines et les enseignants, et qui nécessiteront des arbitrages pour mettre en place des projets ou de l'accompagnement. Certains dédoublements, autrefois fléchés, notamment en sciences ou en technologie, ne seront plus obligatoires. Ces 20 % d'autonomie vont donc accentuer la diversité des politiques d'établissements.
Je rappelle que ce ne sont pas les disciplines ou les dispositifs, à l'instar des classes bilangues, qui sont à l'origine des inégalités, mais les usages sociaux qui en sont faits. Il aurait mieux valu réfléchir à une carte des langues vivantes et d'implantation des options, notamment en éducation prioritaire, plutôt que de supprimer ces dispositifs. On va recréer ainsi de nouveaux parcours socialement différenciés et donc des inégalités. De plus, l'interdisciplinarité, qui au demeurant peut être un outil intéressant, est difficile à appréhender pour les élèves les plus éloignés de la culture scolaire. Des travaux interdisciplinaires fructueux exigent du temps pour la concertation et la co-intervention et doivent porter sur des notions attachées aux programmes.
En conclusion, cette réforme se contente d'ânonner certains termes - « autonomie », « interdisciplinarité » - sans réfléchir aux conditions d'application et sans considération pour les demandes des enseignants du second degré. Qu'apportera-t-elle aux élèves en difficulté ? Rien. Mais elle risque de mettre en concurrence les établissements et les disciplines, ainsi que d'instaurer un climat peu propice au travail en équipe. Cette réforme est donc une occasion manquée d'aider les élèves les plus en difficulté.