Nous sommes tout à fait conscients des manquements du collège, un quart des élèves y est en échec scolaire. Nos propositions pour un « collège modulaire », expérimentées en particulier au collège Élisabeth et Robert Badinter de la Couronne, près d'Angoulême, montrent que nous ne sommes en rien les tenants de l'immobilisme, que nous sommes favorables à la pédagogie en petits groupes, à l'innovation.
Mais cette réforme n'est pas la bonne et c'est pourquoi nous en demandons l'abrogation, ainsi que l'ouverture de véritables négociations. Elle nous a été imposée, sans concertation ou presque, puisque seules trois réunions ont été organisées en quelques semaines ; nous sommes sortis de la dernière lorsque nous avons constaté qu'on nous y demandait d'apposer notre signature à une réforme déjà ficelée, sans qu'aucune réflexion de fond n'ait été entreprise. Le fait que le Gouvernement ait publié le décret le 19 mai, au soir d'une journée de manifestation nationale et de grève contre cette réforme, montre combien il s'agit d'un déni de démocratie ! Pour réformer, il faut commencer par écouter l'opinion et par consulter les organisations syndicales qui représentent les enseignants au collège.
Que reprochons-nous à cette réforme ? D'abord, qu'elle diminue les horaires disciplinaires, alors que les élèves ont besoin de plus d'heures de cours pour réussir. On nous « vend » l'interdisciplinarité comme la solution miracle, alors même que les IDD ont été un échec au lycée ! L'interdisciplinarité est une bonne chose, mais à condition qu'elle soit volontaire et qu'elle n'ampute pas les heures d'enseignement disciplinaire. Même chose pour l'enseignement des disciplines artistiques et des sciences : la confusion règne, on mélange la physique, les sciences de la vie et de la terre (SVT), la technologie. On supprime également un véritable enseignement du latin et du grec, - qui ne se limite pas à passer une vidéo sur la guerre de Troie... -, en faisant croire que ces enseignements sont élitistes, alors qu'ils concernent 20 % des élèves et que leur apprentissage s'accroît en Seine-Saint-Denis ! Cette réforme supprime des dispositifs qui fonctionnent, comme les classes européennes, les classes bilangues ou l'enseignement des langues régionales, avec le risque de mécontenter les familles et au grand bénéfice de l'enseignement privé.
L'autonomie serait-elle la solution ? Mais cette réforme fait progresser l'autonomie des chefs d'établissement, pas celle des établissements eux-mêmes, avec un risque d'inégalité croissante entre établissements. Alors que le vrai problème est qu'un quart des élèves sont en difficulté au collège, rien n'est fait pour les aider, pour leur permettre d'acquérir les savoirs fondamentaux, par des méthodes adaptées et en petits groupes.
Cette réforme est dangereuse, aussi, parce qu'elle sera suivie par celle de l'évaluation et des programmes, parce qu'elle répète les erreurs catastrophiques de la réforme du lycée ! Notre association, depuis 1905, se bat pour l'école de la République, celle d'un enseignement de qualité pour tous, et nous récusons le modèle universel qui est suivi aujourd'hui, où l'école publique, de mauvaise qualité, est faite pour les pauvres, alors que l'enseignement de qualité est réservé à l'élite de l'argent, comme cela se pratique dans un grand nombre de pays. Contrairement à ce qu'a dit la ministre, cette réforme ne va pas vers plus d'égalité, mais elle détruira davantage encore l'école de la République : notre association ne laissera pas cette gabegie se poursuivre !