Cette table ronde était fort utile, tant l'émoi suscité par la publication précipitée du décret fut grand. Nul n'affirme ici qu'il ne fallait pas réformer le collège. Mais, pour que les enseignants mettent en oeuvre la réforme avec conviction, il faut, en amont, un consensus et une concertation. Certes, on ne peut nier que des échanges sur la réforme du collège ont eu lieu lors des débats relatifs à la loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République, mais ce texte, qui a suscité tous les espoirs après la dégradation de l'école par le précédent gouvernement, n'est pas sorti d'une logique de séquençage des réformes. Le véritable sens de la réforme de 2013 n'a pas été suffisamment expliqué. Dès lors, la réforme des rythmes scolaires, puis celle du collège, ont semblé poursuivre la déstabilisation du système. Même si les apprentissages y sont essentiels, la réussite des élèves ne peut constituer la responsabilité de la seule école primaire. À titre d'illustration, nous avions insisté, avec notre collègue Françoise Cartron, sur l'importance de la scolarité en maternelle et l'accueil des enfants dès deux ans. En réalité, la question fondamentale du « tous capables », dont le principe a été réaffirmé dans la loi pour la refondation de l'école, n'a pas été définitivement tranchée. Pourtant, l'objectif de l'école doit bien être d'éviter les difficultés scolaires dès les premières années de scolarité. À cet effet, peut-être conviendrait-il d'allonger la scolarité pour laisser à tous le temps nécessaire aux apprentissages. De ce point de vue, le passage de quatre à trois ans de la durée de scolarité en lycée professionnel a conduit à un échec patent : tous les élèves n'ont pas le même rythme. Par ailleurs, l'enjeu que constitue la formation initiale, et surtout continue, des enseignants a été totalement mis de côté. Au final, le métier d'enseignant, au potentiel formidable, est en grande souffrance, notamment du fait d'une succession, depuis quarante ans, de réformes souvent mal expliquées. Je terminerai sur le volet de la réforme relatif au développement de l'interdisciplinarité et au renforcement de l'autonomie des chefs d'établissement. Ne pensez-vous pas qu'il y a là une incohérence entre une plus grande souplesse apportée aux établissements et le risque d'inégalités auquel elle pourrait conduire ?