Intervention de Yvon Thiec

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 28 mai 2015 à 9h00
La culture face au défi numérique — Table ronde

Yvon Thiec, délégué général d'Eurocinéma :

Je suis honoré de votre invitation. La communication de la Commission européenne relative à l'achèvement du marché numérique est indigente. L'objectif premier est manifestement de faciliter l'accès par les consommateurs, sans que ceux-ci soient suffisamment définis : s'agit-il d'utilisateurs européens ou étrangers ? Votre rapport, opportunément intitulé L'Union européenne, colonie du monde numérique ? avait bien vu la question.

Les start-ups, leviers du monde numérique, ne sont évoquées qu'en dernière partie de la communication de la Commission, alors qu'elles devraient y être traitées en priorité. Les 21 milliards d'euros qui seront consacrés à l'investissement, répartis entre 28 pays sur une durée de cinq ans, constituent un budget bien insuffisant. Si l'objectif est de faire du marché unique européen du numérique un levier de croissance, M. Juncker aurait été avisé de s'inspirer du plan de relance conçu il y a vingt ans par M. Delors. À une époque de dépression économique, celui-ci avait publié trois cents directives extrêmement précises. L'effet sur les industriels, sur les entreprises, sur la presse aussi, avait été considérable, et ce plan avait relancé tout à la fois l'Europe et son économie. Par comparaison, la presse a très peu commenté la communication de M. Juncker...

Sur la portabilité des contenus, la Commission n'a pas grand-chose à faire, puisque celle-ci relève de la faculté des opérateurs à donner, sur une base contractuelle, l'accès transfrontalier à certains abonnés. En acceptant que la territorialité reste le modèle économique des droits audiovisuels, la Commission ne fait qu'entériner la jurisprudence de la Cour de Justice, qui a encore été confirmée dans son dernier arrêt et qui prend acte des pratiques actuelles. Finalement, la réforme du droit d'auteur sera limitée : la Commission n'envisage plus que deux exceptions harmonisées et probablement obligatoires, pour la recherche sur bases de données et pour l'enseignement. La première pose toutefois un problème de principe : pourquoi créer une exception pour faciliter l'usage commercial ? Je ne sais pas si la Commission est consciente de la limite qu'elle pose ainsi à l'exercice du droit d'auteur, alors même qu'il est mieux sécurisé à l'échelle internationale.

La clarification des règles applicables aux activités intermédiaires concernant les oeuvres protégées par le droit d'auteur est bienvenue, même si elle est présentée de manière discontinue dans le texte. Enfin, l'amélioration des moyens de lutte contre la piraterie est une bonne chose. Le colloque organisé par la ministre de la culture et de la communication à Cannes, auquel le Premier ministre a participé, a bien montré qu'il s'agit d'une priorité. La directive de 2004 sur la mise en oeuvre des droits de propriété intellectuelle avait fait l'objet d'un rapport utile du Sénat, qui pointait le manque de cohérence entre États membres dans sa transposition. Adoptée après une seule lecture, avant l'élargissement, elle offre trop de portes de sorties, ce qui en affaiblit la portée juridique.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion