Merci pour votre invitation. Le marché de la musique en Europe est assez stable. Il est numérique à 35 % et physique pour 50 %, 12 % sont constitués par l'exécution publique et par les radios. Par comparaison, il est numérique à plus de 50 % aux États-Unis. Il y a toutefois de forts contrastes entre les pays d'Europe : le marché physique domine encore en France et en Allemagne, où il représente respectivement 57 % et 70 % du total, quand dans les pays scandinaves, le marché numérique constitue 70 % de l'ensemble. Les répertoires national et européen y sont très présents : la musique en Europe est une musique européenne. En 2004, le marché numérique représentait 1 %, pour un million de titres dans six pays. Il atteint en 2014 35 %, pour 43 millions de titres proposés par deux cents services numériques. Il existe donc un vrai marché digital pour la musique.
Mais en dix ans, les revenus de l'industrie ont diminué de 30 %, passant de 16 à 18 milliards d'euros à 11 milliards d'euros environ. C'est la conséquence de la chute du marché physique, de la piraterie numérique, mais aussi d'un problème de monétisation de la musique : les revenus du téléchargement diminuent, ce que le streaming, qui domine le marché, ne compense pas. Jamais la musique n'a été aussi populaire : Spotify a plus de 140 millions d'utilisateurs et YouTube, un milliard, dont environ 70 % pour la musique. Mais les revenus ne suivent pas. En effet, certaines plates-formes offrent du contenu, attirent ainsi des utilisateurs, créent de la valeur mais ne rémunèrent pas les secteurs créatifs. Ainsi, YouTube s'est transformé en une plateforme de distribution de contenu mais se prétend simplement hébergeur. Sur ce fondement, il refuse d'entrer en négociation avec les ayants droit pour obtenir des licences sur la base du droit d'auteur. Ce problème se pose aussi dans d'autres secteurs, par exemple avec GoogleNews ou GoogleImage. Il convient, en conséquence, de clarifier le statut juridique de certaines plates-formes, qui ne sont pas des intermédiaires mais des acteurs pleins et entiers du marché des contenus, tombant donc sous le coup du droit d'auteur.
Nous nous intéressons de près à la stratégie numérique de la Commission européenne, notamment aux parties qui concernent le droit d'auteur et le rôle des intermédiaires. Même si certaines mesures sont encore vagues, nous sommes satisfaits que l'approche du droit d'auteur soit ciblée et parte de la territorialité, qui reste importante dans nos secteurs. Ainsi, dans certains pays au niveau économique plus faible, nous pouvons offrir des services à des prix plus accessibles : la territorialité est au service de la culture. La stratégie digitale de la Commission inclut aussi la question du transfert de valeur, et nous nous en réjouissons. Elle insiste sur la nécessité de protéger les droits : un tiers des utilisateurs d'Internet fréquente des sites illégaux, malgré l'abondance d'offres légales. Nous espérons des mesures plus efficaces de lutte contre la piraterie, tenant notamment compte du rôle des intermédiaires.
La France joue un rôle essentiel dans les discussions européennes : elle est le leader européen de la protection des secteurs culturels. Nous soutenons donc le programme européen du gouvernement français, qui défend la culture mais aussi son économie.