Intervention de Sabine Ozil-Quintas

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 28 mai 2015 à 9h00
La culture face au défi numérique — Table ronde

Sabine Ozil-Quintas, représentante de l'Association des éditeurs de journaux (ENPA) :

Merci pour votre invitation. Je représente le syndicat de la presse quotidienne nationale (SPQN), qui siège au conseil d'administration de l'ENPA. Le numérique est un enjeu crucial pour les éditeurs de presse, qui ont beaucoup investi dans leur production éditoriale pour s'adapter à cette évolution. Les audiences témoignent de la réussite de cette migration vers le numérique : en France, 28 millions d'internautes et 14 millions de mobinautes lisent chaque jour un titre de presse. La presse d'information politique et générale, en France, est lue à 32 % sur des smartphones, contre 24 % l'an dernier.

Les éditeurs de presse sont également confrontés à la problématique de monétisation de leur contenu dans un environnement numérique où les citoyens sont habitués à la gratuité. Ainsi, les contenus de presse numérique sont monétisés à un prix deux fois inférieur à leur équivalent papier. De plus, une part croissante de la valeur est captée par les acteurs de la distribution. En France, plus de 90 % du chiffre d'affaires est réalisé par la presse papier : le chiffre d'affaires numérique représente 500 millions d'euros sur un total de 8,5 milliards d'euros. Or, il est nécessaire que les éditeurs puissent investir.

Sur la stratégie européenne du numérique, nous avons quatre priorités : la TVA numérique, le droit d'auteur, les intermédiaires et la protection des données. Il est fondamental pour les éditeurs que les taux de TVA de la presse en ligne soient alignés sur ceux de la presse papier, qu'il soit réduits, super-réduits, comme en France, ou nuls, comme en Allemagne. Sinon, la rentabilité est insuffisante. Le taux de 2,1 % voté en 2014 risque d'être remis en cause. La Commission indique qu'elle va se pencher sur la question du traitement fiscal. Nous espérons que cela éteindra le contentieux potentiel sur le sujet, d'ici à la réforme prévue pour 2016.

Ce projet de réforme présente d'abord un enjeu de principe : le droit d'auteur n'est en aucun cas un frein au marché numérique et doit donc être renforcé, à l'heure où les éditeurs voient leurs contenus réutilisés par des tiers sans rémunération. Le droit d'auteur est un pilier de la préservation de la qualité et du pluralisme de la presse. Autre enjeu : les exceptions, dont nous craignons que l'élargissement ne mette en danger le modèle économique de certains ayants droit, d'autant que la plupart d'entre elles ne donnent pas lieu à rémunération. Nous sommes également attentifs aux règles qui seraient applicables aux intermédiaires en ligne, aux pistes avancées par le GESAC ou l'IFPI, aux réflexions menées à Bruxelles sur la possibilité d'instaurer des droits d'auteur ou des droits voisins. La problématique majeure reste toutefois la captation par des intermédiaires techniques. Notre modèle économique repose sur trois piliers : les ventes, les recettes publicitaires et un mécanisme - à construire - de redistribution de la valeur.

Un accord sur le projet de règlement sur la protection des données à caractère personnel semble possible au Conseil vers la mi-juin. L'exemption pour la presse doit au moins être maintenue, comme le texte actuel de la directive semble le faire, conciliant liberté de la presse et droit à la vie privée. Il faudra articuler cela avec le droit à l'oubli, légitime mais qui fait l'objet de bien des amalgames. Nous avons ainsi alerté les parlementaires sur la différence à faire entre les blogs et les contenus produits par des professionnels.

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