J'ai en effet écrit un livre, avec un économiste, sur les 35 heures. Je crois que les entreprises s'y sont résignées. Depuis quinze ans, elles se sont organisées autour des contraintes que leur imposent la loi et les habitudes. Cela appauvrit-il le pays ? Sans aucun doute. On peut décider collectivement de travailler moins et de gagner moins ; on peut aussi en venir à se rendre compte que l'on ne parvient plus à assurer un service public à la hauteur, et qu'il faut se remettre au travail. Il est indubitable que si les Allemands travaillaient 35 heures, ils feraient la même chose, mais pour un coût supérieur, et leurs produits ne seraient plus aussi compétitifs. Inversement, si, en France, nous travaillions quatre ou cinq heures de plus, nous aurions plus de richesse à partager.
La productivité du travail en France ? Elle n'est pas aussi excellente qu'on le dit. Nous sommes, en réalité, au même niveau que les autres pays de l'OCDE. Comme, chez nous, le chômage des jeunes est très élevé, que le taux d'emploi des seniors est très faible et que le chômage des moins qualifiés est important, les statistiques ne portent que sur les plus productifs, d'où une déformation optique. Dans mon entreprise de 4 700 salariés, la productivité est analogue à celle que l'on constate dans les autres pays de l'OCDE. Les ingénieurs sont de même qualité que partout ailleurs. L'idée qu'une productivité supérieure nous permettrait de travailler moins est un leurre qui nous coûte très cher. Travailler moins, pourquoi pas ? Mais à condition que l'on accepte de gagner moins.