Intervention de Nicolas d'Hueppe

Commission des affaires économiques — Réunion du 27 mai 2015 à 10h10
Audition de M. Stanislas de Bentzmann président de croissance plus

Nicolas d'Hueppe, vice-président de CroissancePlus :

Vous nous interrogez sur les hausses de salaires. C'est un sujet auquel je m'intéresse de près. Je suis, avec mon entreprise, qui fait 70 millions de chiffre d'affaires et emploie 150 personnes - des emplois que j'ai créées ex-nihilo - sur le même secteur que Netflix, dont le siège est en Californie, et qui compte quelques milliers de salariés. Qu'a fait Netflix ? Voyant que ses salariés passaient leur temps connectés sur Facebook et ailleurs, et géraient leur vie familiale depuis leur bureau, l'entreprise a décidé qu'ils pouvaient prendre, sans limite, des jours de congés. C'est un phénomène que l'on commence aussi à observer plus près de nous, en Angleterre. Un nouvel écosystème commence à se dessiner. Ce que j'ai constaté, c'est que mes salariés, qui sont très jeunes, ont tous, à côté de leur travail dans ma boîte, une activité, le soir, sur le web. Ils bricolent, développent des petits business où ils se font un peu d'argent. Je n'ai rien contre le contrat de travail, mais il va falloir le réinventer, sans se braquer sur des combats d'arrière-garde. Car comment demander l'exclusivité à des salariés qui sont tous en train de bricoler autre chose ? Faudra-t-il leur interdire de se connecter sur le web après leur travail ? Et puis, nous avons aussi des pères et des mères de famille qui veulent venir travailler, mais qui veulent aussi retrouver leur progéniture à quatre heures, reviennent à six heures, et le soir, se reconnectent. Les boîtes doivent être suffisamment flexibles, et se réinventer avec ce genre de choses. Augmenter les salaires ? Mais nous sommes face à des gens qui font de plus en plus la différence entre rémunération et salaire, quand le code du travail tient les deux pour équivalents. Ce que veulent les gens, au-delà d'un salaire, ce sont des bonus, de la formation, du temps libre, de la souplesse dans leurs congés pour pouvoir s'impliquer dans une association humanitaire. Or, le cadre réglementaire ne nous permet pas d'assouvir ces désirs. Si des salariés s'expatrient, ce n'est pas parce qu'ils pensent que la France est moisie, mais parce qu'ils sont plus libres ailleurs. Ils peuvent, par exemple, avoir un contrat qui les occupe le lundi et le mardi et faire autre chose le reste de la semaine. Ces jeunes viennent d'une culture du zapping, ils ont l'habitude de jouer en même temps à plusieurs jeux vidéo : ils n'ont pas envie de s'enfermer dans un seul job toute la journée ! Certains aussi, inversement, ne veulent pas de leurs huit semaines et demi de congés - avec les RTT -, dont ils ne savent pas quoi faire. Il y en a qui viennent me voir et qui me disent : Nicolas, je n'ai pas de copine, qu'est-ce que tu veux que j'en fasse de ces congés, je n'ai pas d'argent, je ne gagne pas beaucoup, je préfèrerais travailler et gagner plus. J'en conclue, si je projette le contrat de travail sur l'horizon 2030, qu'il faut individualiser. Il y a là un vrai travail à mener, sur lequel nous sommes prêts à vous accompagner.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion