En ce qui concerne le contexte macroéconomique, la Chine connaît certes un ralentissement mais le phénomène apparaît contrôlé. Je dirais même qu'il est logique après une telle période - unique dans notre histoire - de croissance très forte et ininterrompue durant plus de trente ans. Je me range donc plutôt parmi les optimistes.
Nous sommes à la fin d'un cycle de rattrapage lancé à la fin des années 1970 par les réformes de Deng Xiaoping : durant cette période, la Chine a mené sa révolution industrielle, elle s'est urbanisée et elle a introduit avec succès les nouvelles technologies. Aujourd'hui, elle s'oriente vers une économie plus innovante, une économie de la connaissance, avec par exemple des investissements massifs dans la recherche qui représentent plus de 3 % du PIB. Des laboratoires géants ont été créés et il existe des centres de recherche et développement de niveau mondial. L'un des résultats est que la Chine dépose environ la moitié des brevets dans le monde, même si tous ne correspondent pas nécessairement à des inventions.
Les moteurs traditionnels de la croissance s'épuisent. Le modèle a ainsi atteint ses limites en matière d'environnement, secteur où les revendications de la population sont très pressantes. En matière démographique, la politique de l'enfant unique mise en place en 1979 a eu des résultats évidents mais entraîne aussi des conséquences importantes sur le long terme qu'il est difficile d'inverser. Cette politique, sans être complètement abandonnée, connaît et connaîtra, à n'en pas douter, de plus en plus d'exceptions ou d'adaptations. Par ailleurs, l'endettement reste globalement soutenable mais celui des collectivités locales, qui représente environ 30 % du PIB, a surpris beaucoup d'observateurs par son niveau car elles n'ont pas le droit de s'endetter directement et ont mis en place divers véhicules pour ce faire. Longtemps, les responsables locaux étaient jugés sur le seul critère de l'évolution de la croissance sur leur territoire, ce qui les a incités à investir massivement, en particulier dans les infrastructures ; aujourd'hui, le niveau d'endettement constitue un frein significatif aux nouveaux investissements au niveau des collectivités.
Face à ces évolutions, les autorités chinoises ont décidé de reconfigurer le modèle économique, avec un modèle « plus normal », davantage assis sur la consommation intérieure et générant une croissance certes moins vigoureuse mais plus soutenable, tant en interne qu'en externe vis-à-vis du reste du monde. Cette réorientation s'est opérée au travers d'une politique de distribution massive de pouvoir d'achat. Les résultats sont là : avec une progression des revenus hors inflation de 7 %, la consommation devrait progresser de 11 %. Le ralentissement actuel peut également s'expliquer, pour partie, par la campagne d'austérité et de lutte contre la corruption qui se diffuse dans toute l'économie car les décideurs prennent désormais plus de précautions qu'auparavant.
Les autorités ont fixé un objectif de croissance d' « environ 7 % » pour 2015 et ce taux devrait se stabiliser autour de 5-6 % à la fin de la décennie, ce qui reste tout à fait enviable. Mais la véritable préoccupation des autorités reste le niveau de l'emploi. Le pays demeure rural puisque seulement un peu plus de la moitié de la population vit en ville contre plus des trois quarts dans les pays développés. L'urbanisation va continuer ce qui pose la question de la création d'emplois dans les villes.
La Chine connaît des situations très hétérogènes selon les régions. Des villes côtières hérissées de tours ultramodernes aux campagnes de l'Ouest, ce sont plusieurs pays, voire plusieurs époques qui coexistent. Le salaire de base varie de 1 à 4 entre les grandes villes côtières et les provinces de l'intérieur.
Dans ce cadre général, les opportunités sont très importantes pour les entreprises françaises. Même si la croissance a ralenti, sa base est plus large et la croissance en valeur est aujourd'hui le double de ce qu'elle était au début des années 2000 quand le taux de croissance dépassait les 10 %. Selon le FMI, l'économie chinoise a procuré environ 30 % de la croissance mondiale en 2014.
Avec la formation d'une classe moyenne de bientôt 500 millions de personnes dotée d'un grand appétit de consommation, la Chine est arrivée à un stade de son développement économique qui correspond mieux aux points forts de l'économie française, notamment les produits de grande consommation et de luxe. Au-delà des grands contrats, l'appui public se concentre de plus en plus sur les PME et les secteurs en fort développement comme l'agroalimentaire, la ville durable ou la santé.
L'enjeu du tourisme est considérable. Les Chinois représentent déjà la première dépense par personne en France ; nous en accueillons 2 millions et avons pour objectif d'atteindre 5 millions. Nous avons modernisé notre dispositif de délivrance des visas ; nous devons continuer ces efforts et développer en même temps une véritable politique d'accueil avec une hôtellerie, une signalétique et des méthodes de paiement adaptées.
Plus de 1 200 entreprises françaises, dont toutes celles du CAC 40, sont présentes en Chine avec, dans de nombreux cas, des capacités de production destinées au marché chinois. Le stock d'investissement français en Chine atteint ainsi 18 milliards d'euros ; parallèlement, les investissements chinois en France ne s'élèvent qu'à 5 ou 6 milliards. Nous avons donc de bonnes perspectives pour les années à venir et devons mettre en place une politique d'accueil des investissements et une politique de partenariat entre la France et la Chine, par exemple dans certains pays tiers.