Ma question porte sur le développement de l'agriculture biologique en France qui connaît une situation pour le moins paradoxale, pour ne pas dire quelque peu caricaturale.
En effet, à l'heure où l'environnement figure en tête des préoccupations de nos concitoyens, alors que la consommation en produits biologiques augmente chaque année en nombre de clients et de produits consommés, la France reste à la traîne de nombreux autres Etats membres de l'Union européenne en matière de production biologique.
L'application française de la PAC semble même pénaliser les agriculteurs qui ont adopté les systèmes les plus respectueux de l'environnement ; quant aux agriculteurs qui se sont engagés dans l'agriculture durable, ils se considèrent comme durement traités.
C'est notamment sur le différentiel de DPU, droit à paiement unique, entre agriculteurs biologiques et agriculteurs conventionnels que je souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'agriculture.
A système agronomique équivalent, l'écart de droit à paiement unique entre agriculteurs biologiques et agriculteurs conventionnels s'échelonne, en effet, de 5 % à 50 %, selon les productions. Cet écart est dû aux choix techniques induits par la pratique de l'agriculture biologique : plus faible chargement en bétail, plus forte proportion de prairies, etc.
On peut signaler à titre d'exemple que la perte de DPU chez les éleveurs laitiers biologiques varie entre 35 % et 50 %. Les élevages laitiers biologiques sont en effet les plus pénalisés par le calcul des DPU sur la base des références historiques.
Au total, les inégalités de traitement entre agriculteurs sont telles qu'à type équivalent de production un paysan « bio » touchera 20 % à 40 % en moins. Les agriculteurs qui se sont engagés dans l'agriculture durable et biologique touchent en effet 150 à 250 euros par hectare d'aides publiques en moins, soit jusqu'à 10 000 euros par exploitation.
On observe également une distorsion de concurrence chez nous entre les agriculteurs « bios » installés avant 2001 et les « nouveaux convertis », mais aussi à l'échelle européenne.
Par conséquent, la pérennisation de ce mode de production est très difficile.
Pourtant, au moins trois outils existent dans le règlement européen pour rééquilibrer les soutiens entre les agriculteurs.
Il s'agit, d'une part, de la redéfinition du mode de répartition des aides PAC.
Il s'agit, d'autre part, d'une « rémunération de reconnaissance » pérenne qui aurait pu être mise en place dès 2005, comme ce fut le cas en Allemagne. Ainsi, dans le bassin versant de Munich, il a été procédé à une reconversion totale à l'agriculture biologique, de sorte que le prix de l'eau à Munich est aujourd'hui vingt fois inférieur à ce qu'il est en moyenne en France. Cette rémunération de reconnaissance serait parfaitement possible en utilisant les premier et deuxième piliers de la PAC.
Il s'agit, enfin, de la reconnaissance de l'agriculture biologique en termes d'écoconditionnalité dans toutes les mesures où celle-ci est exigée.
La situation est inquiétante, voire alarmante. Très peu de conversions ont été constatées en 2003 et très peu d'installations dans l'agriculture biologique ont eu lieu en 2004.
Y a-t-il une volonté politique en la matière ? Ne refuserait-on pas de considérer l'agriculture « bio » comme un véritable mode de développement agricole ?
Voilà quelques jours, M. Sido, rapporteur de la commission des affaires économiques du projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques, déclarait ici même que l'agriculture biologique n'était pas viable en France, qu'il ne connaissait pas d'exploitation capable de réussir dans ce cadre et qu'il valait donc mieux importer les produits. De telles déclarations sont inquiétantes ; je ne sais si elles correspondent à la position de la majorité ou à celle du Gouvernement dans son ensemble. Je souhaiterais, monsieur le secrétaire d'Etat, être éclairé sur ce point.
En tout état de cause, le Gouvernement a-t-il l'intention de réorienter sa politique de manière que notre pays puisse rattraper le retard considérable de la production biologique en offrant aux agriculteurs qui s'installent dans ce mode de production des aides au moins équivalentes à celles qu'ils obtiendraient en restant dans le système traditionnel ?