Intervention de François Pillet

Commission mixte paritaire — Réunion du 3 juin 2015 à 9h35
Commission mixte paritaire sur le projet de loi pour la croissance l'activité et l'égalité des chances économiques

Photo de François PilletFrançois Pillet, sénateur, rapporteur pour le Sénat :

Bien des éléments auraient pu conduire le Sénat à marquer sèchement son opposition au texte : son caractère hétéroclite, des articles pléthoriques, une procédure accélérée limitant sévèrement la navette parlementaire, une adoption sans vote par l'article 49-3, des amendements du Gouvernement qui proposait souvent, sans argumentation, un retour pur et simple au texte initial...

Pour autant, le Sénat a pris ses responsabilités et a cherché à améliorer ce qui lui semblait devoir l'être, limitant certains excès et, surtout, poussant plus loin la logique de libération de la croissance. La commission spéciale s'est ainsi employée à trouver la voie d'un consensus acceptable et suffisamment exigeant au regard des priorités que nous nous étions fixées : permettre réellement une reprise de l'activité et de la croissance, ne pas sacrifier les territoires et restaurer une confiance que certaines aspérités du texte avaient pu rompre.

Sur les professions réglementées, nous avons ainsi retenu le cadre général proposé par le Gouvernement - révision transparente des tarifs, à partir de l'avis de l'Autorité de la concurrence, péréquation tarifaire avec un mécanisme de remise, liberté encadrée d'installation - mais en parvenant à ce que des représentants des professions concernées participent à leur réforme.

Nous avons cependant corrigé ce qui semblait excessif ou incertain : un fonds de péréquation interprofessionnel ni opportun ni même très conforme aux exigences constitutionnelles, faisant payer les clients des huissiers de justice pour ceux des notaires ; les deux zones d'installation des notaires - en dépit des explications du ministre - avec une zone fantomatique que nous avons sortie de l'ombre et à laquelle nous avons associé un régime juridique dans lequel l'installation doit être autorisée ; la postulation des avocats, où nous avons retenu l'expérimentation, comme la rapporteure de l'Assemblée nationale dans son rapport d'information. Quant à la réforme des sociétés du droit, nous avons supprimé les articles 20 ter et 22, en raison des très grandes incertitudes juridiques qu'ils présentaient, et sur lesquelles, à mon grand regret, le Gouvernement a refusé contre toute logique la proposition de légiférer par ordonnance.

Nous avons totalement accepté la réforme des prud'hommes, qui aurait pourtant été plus à sa place dans un autre texte. Nous avons même tenté d'aller plus loin en renforçant la vocation judiciaire des conseillers prud'hommes et leurs pouvoirs de mise en état et de conduite de la procédure. Qu'il s'agisse de la procédure d'injonction structurelle ou de celle de cession forcée d'entreprise, notre souci a été d'assurer le respect des droits de la défense et du contradictoire, afin que ces procédures, utiles dans des cas exceptionnels, soient bien conformes à nos exigences conventionnelles ou constitutionnelles. Sur l'obligation d'information des salariés en cas de cession d'entreprise notamment, nous avons souhaité symboliquement marquer l'urgence de trouver une solution. Sur les tribunaux de commerce spécialisés, les arbitrages initiaux étaient dangereux et risquaient de conduire à une rupture majeure avec les juges consulaires. Nous nous sommes efforcés de convaincre le Gouvernement - et y sommes parvenus semble-t-il - qu'il fallait élever le seuil et apporter de nouvelles garanties.

Compte tenu de la démarche ouverte et pragmatique que nous avons adoptée, un accord pourrait être à notre portée : nous pouvons nous entendre sur les objections techniques, discuter des points plus politiques et, pourquoi pas ?, nous convaincre ; l'impact du projet de loi sera d'autant plus fort qu'il aura su réunir un soutien plus large, après en avoir un peu manqué à ses débuts. Cette réunion nous aidera à mieux identifier, s'il y en a réellement, les obstacles insurmontables. N'oublions pas, en élus de terrain, qu'un accord pourrait réconcilier le pays avec la réforme...

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