Au cours de 132 heures de débats dans l'hémicycle, le Sénat a transformé une première épreuve en un texte abouti, fidèle à ses ambitions initiales et répondant pleinement aux trois objectifs fixés : relancer la croissance, développer l'activité, réaffirmer l'égalité des chances économiques. C'est particulièrement vrai pour les dispositions sociales du texte, que je rapportais. Nos positions convergent sur de nombreux points : 33 articles de ce volet ont été votés conformes par le Sénat, et 14 autres n'ont fait l'objet que de modifications rédactionnelles.
Le Sénat n'a ajouté que quelques ajustements techniques et rédactionnels à plusieurs mesures adoptées par l'Assemblée nationale sur le financement et le développement des entreprises, ainsi pour la création de la société de libre partenariat, qui encouragera le capital-risque en France. Nous avons voté conformes les articles sur les filiales des hôpitaux et le rapport sur les « retraites chapeau ». Nous avons apporté notre soutien à la réforme du zonage dérogatoire au repos dominical, et en particulier à la création des zones touristiques internationales, afin de corriger le manque de lisibilité et les effets pervers de la réglementation actuelle. Le Sénat a approuvé l'équilibre de la réforme des dimanches du maire avec le respect de l'initiative des élus locaux et du volontariat des salariés. Il n'a pas bouleversé les articles sur la lutte contre le détachement illégal de salariés, ainsi que les dispositions sur les travailleurs handicapés et l'amélioration du dispositif de sécurisation de l'emploi.
Nous avons également précisé les modalités ou le champ d'application du texte, et corrigé quelques excès, par des modifications plus substantielles : institution du délai de consultation de deux mois afin que tous les avis requis préalablement aux dérogations au repos dominical soient remis ; précision sur l'organe compétent de l'EPCI ; suppression de l'article 82 bis permettant aux préfets outre-mer de modifier les jours fériés, par un amendement issu de plusieurs groupes.
Nous avons conservé les apports de l'Assemblée nationale sur l'épargne salariale en corrigeant la composition des conseils de surveillance des fonds communs de placement d'entreprise (FCPE) et en reprenant des propositions du Conseil d'orientation de la participation, de l'intéressement, de l'épargne salariale et de l'actionnariat salarié (Copiesas) dans son rapport de novembre 2014, abaissant notamment le taux du forfait social. De même, nous avons globalement approuvé l'assouplissement du régime d'attribution d'actions gratuites tout en le réservant aux seules PME, qui peuvent effectivement fonctionner sur des cycles économiques plus rapides. Nous avons adopté un amendement du Gouvernement sur les contrats d'assurances vie à l'article 34 bis A.
Vous pourrez nous rejoindre sur une importante mesure anti-abus interdisant aux intermédiaires de facturer des frais aux PME au titre de versements effectués dans le cadre du dispositif ISF-PME : cette pratique nuisible reporte parfois l'intégralité des frais sur les entreprises. Par cohérence avec la position du Sénat depuis 2014, l'habilitation demandée par le Gouvernement pour réformer par ordonnance les pouvoirs de l'inspection du travail a été supprimée. Nous avons mené à son terme la réforme du délit d'entrave en supprimant la peine de prison correspondante, tout en multipliant par quatre l'amende afférente à ce délit.
Enfin, nous avons souhaité enrichir ce projet de loi, renforcer sa cohérence, garantir son effectivité et prendre au mot plusieurs membres du Gouvernement qui ont récemment affirmé leur volonté de simplifier le droit du travail. Nous avons accompli un geste fort en faveur du financement en fonds propres des PME, relevé les plafonds des réductions d'impôt Madelin et ISF-PME, étendu la suppression de la contribution patronale spécifique aux entreprises de taille intermédiaire et mis en place un dispositif l'excluant pour les titres cédés mais réinvestis dans des PEA-PME. Nous avons assoupli pour un coût réduit certaines rigidités du dispositif Dutreil pour faciliter la transmission des entreprises.
Pour le travail dominical, le Sénat a estimé qu'il fallait empêcher qu'un blocage du dialogue social dans une entreprise ou une branche puisse neutraliser les effets de la réforme. Il a donc autorisé les commerces situés dans les zones concernées à ouvrir, à défaut d'accord collectif, sur la base d'une décision de l'employeur après référendum, dès lors que des contreparties étaient offertes aux salariés. Il a également souhaité préserver le régime juridique actuel pour les commerces de moins de onze salariés situés en zone touristique, afin d'éviter une fermeture limitant l'animation dans les centres villes de nos communes touristiques, qu'elles soient balnéaires ou de montagne. Sur proposition de Philippe Dominati, avec un avis de sagesse du Gouvernement, nous avons autorisé l'ouverture dominicale des commerces de biens culturels. Pierre Charon est à l'origine de l'extension de l'ouverture en soirée aux commerces situés dans les zones touristiques comme dans les zones touristiques internationales.
Nous avons cherché à répondre aux difficultés que rencontrent les chefs d'entreprise dans l'application du code du travail. Nous avons ainsi mis en place un mécanisme pérenne de lissage des effets de seuil à trois ans et relevé à 21 salariés le seuil d'effectifs pour l'élection des délégués du personnel. Afin de poursuivre ce débat sur les seuils, qui auraient dû être au coeur du projet de loi Rebsamen mais en sont les grands absents, le Sénat a ensuite, sur proposition du groupe UMP, relevé à 100 salariés le seuil de création d'un comité d'entreprise et proposé la fusion des institutions représentatives du personnel. Nous avons pris des dispositions sur les stages, stages de césure et de fin de master, dont la durée de six mois est insuffisante notamment aux yeux des grandes écoles.
Nous sommes heureux que certaines initiatives sénatoriales aient pu finalement trouver leur place dans le texte, comme la simplification du compte personnel de prévention de la pénibilité, de même que le suramortissement proposé par le Gouvernement (article 35 bis AA). M. Macron s'étant toujours montré un partisan de l'assouplissement des conditions de mise en oeuvre des accords de maintien de l'emploi, nous avons facilité le recours à cet outil de flexibilité interne et assoupli les accords défensifs tout en introduisant des accords offensifs. Nous avons également adapté la définition du licenciement pour motif économique.
Le volet social du projet de loi ressort du Sénat complété, dans un sens qui fait écho à l'intitulé du texte. Il est possible qu'il y ait des désaccords entre nos deux assemblées, mais nous sommes là pour les surmonter.