Oui, si cela est acceptable de la part d'Anatole France, car, derrière ces mots, il y a une pensée fondée sur la connaissance de l'histoire et de la littérature, cela ne l'est pas de la part d'un pédagogue qui prétend remplacer la grammaire par l'observation des mots afin que l'élève puisse en déduire par lui-même la nature. Il est ainsi déconseillé au professeur de prononcer le mot « verbe » avant la deuxième partie de l'année scolaire en CP. N'est-il pas plus simple de dire à un enfant qu'on appelle verbe un mot qui porte l'action dans une phrase ? La différence entre la méthode inductive et la méthode déductive, c'est le nerf de la guerre, car c'est à partir de l'abandon progressif d'un enseignement logique et structuré que l'on se retrouve avec des enfants en carence qui ne maîtrisent pas la langue.
Or un enfant qui ne maîtrise pas la langue ne maîtrise ni la pensée, ni le monde. Il nourrit un sentiment de frustration et de rejet, qu'il exprimera plus tard d'une manière ou d'une autre.
Les méthodes pédagogiques d'apprentissage de la lecture doivent donc être revues, en se fondant sur l'évaluation des dispositifs existant sur le terrain. Des associations travaillent sur ces aspects, inventent des programmes, réfléchissent à des manuels scolaires progressifs. Je ne citerai que l'association SLECC, « Savoir lire, écrire, compter, calculer », et le GRIP, Groupe de recherche interdisciplinaire sur les programmes. En comparant les manuels produits par ces associations et les autres, on s'aperçoit facilement qu'il n'y a rien de complexe à se recentrer sur l'apprentissage des savoirs fondamentaux.
Bien évidemment, des arbitrages sont nécessaires. Il est important d'enseigner des problématiques comme la sécurité routière ou l'hygiène, mais là n'est pas la priorité. L'idée d'enseigner le français de manière transversale, dans toutes les matières, qui est restée en vogue pendant longtemps, est une aberration. Il ne sera jamais identique pour un enfant de se voir expliquer une règle de grammaire dans le cadre d'un autre cours, alors même qu'il essaie de se concentrer, et de suivre un véritable cours de français. Arrêtons de compliquer les choses ! Un enfant a besoin de simplicité, de logique. Allons voir sur le terrain les méthodes qui marchent. Les enseignants du groupe SLECC ont d'excellents résultats, et apprennent à lire à leurs élèves avant la fin du CP. Or, un enfant qui ne sait pas lire à la fin du CP a 80 % de chance d'être par la suite en difficulté scolaire, car c'est sur la base d'un socle solide de fondamentaux que l'on peut ensuite déployer les autres savoirs.
Des générations entières sont aujourd'hui perdues. Comment faire pour limiter les dégâts ? L'essentiel est que tous les enfants puissent trouver, à l'école, des enseignements qui les nourrissent et répondent à leur quête de sens et de valeurs. Pour cela, nous devons rétablir des méthodes efficaces, dès le primaire. L'institution doit reprendre conscience de son rôle. Elle se doit également de transmettre un récit national, non pas un endoctrinement, qui ressasse les vieilles images d'Épinal, mais un roman national reconstruit en fonction de notre vision moderne. C'est de cette manière que l'école peut faire comprendre aux enfants, d'où qu'ils viennent, que ce pays est à eux, et que l'histoire de France, même si elle n'est pas celle de leurs parents, est néanmoins la leur, car leur avenir est en France. Si l'on imagine que l'on va favoriser la cohésion républicaine en enseignant aux enfants ce que l'on croit être leur histoire, on se trompe et on fait même preuve de mépris, car leur peuple est la France. Je vous donnerai l'exemple d'un de mes étudiants de l'université Léonard de Vinci, d'origine antillaise, qui, ayant reçu une mauvaise note sur un devoir d'histoire, m'avait assuré de pas avoir besoin de connaitre l'histoire de France car il connaissait déjà celle de son peuple, à savoir l'esclavage. C'est la démonstration que la société nationale est aujourd'hui fracturée !
Cela doit se décliner de manière très concrète dans les classes. Chaque mot que prononce un professeur, la façon de présenter une connaissance, un livre, un texte, a toute son importance. La consolidation des piliers de l'institution doit donc avant tout se traduire par un renforcement de la formation des professeurs.