Intervention de Natacha Polony

Commission d'enquête sur le service public de l'éducation, les repères républicains et les difficultés des enseignants — Réunion du 28 mai 2015 à 9h00
Audition de Mme Natacha Polony journaliste auteure de école : le pire est de plus en plus sûr 2011

Natacha Polony :

Il est évident que l'on ne peut reprocher les difficultés actuelles aux jeunes enseignants, tout simplement parce qu'ils sont eux-mêmes le produit de cette école. Il n'est pas question d'accuser, mais de poser un diagnostic, de comprendre que beaucoup de professeurs souffrent de cette situation, d'être en permanence remis en question par les élèves. Nous devons leur redonner conscience de ce qu'est leur mission, au risque de voir disparaitre des savoirs accumulés par des générations de professeurs. Le serment peut être une solution, même si je vois d'emblée la levée de boucliers contre une telle mesure, que certains accuseraient d'un retour vers les heures les plus sombres de notre histoire. Si on s'orientait dans cette direction, il serait indispensable que les représentants des pouvoirs publics rappellent, avec fermeté, qu'un serment prêté à la République ne serait pas la même chose qu'un serment prêté à l'État français à une certaine époque.

Je crains néanmoins qu'un serment ne soit pas suffisant. La question cruciale est celle de la formation qualitative des enseignants. Trop de professeurs sont recrutés avec des savoirs flottants. Il suffit d'aller interroger les jurys de CAPES pour comprendre qu'ils sont obligés d'accepter des candidats parfois « limite », principalement par manque de candidats. La profession enseignante n'attire plus, car les conditions de travail sont déplorables.

Tant que l'institution scolaire laissera les enseignants être maltraités, injuriés ou méprisés par l'ensemble de la nation, il sera illusoire de prétendre attirer les meilleurs étudiants dans les filières d'enseignement. Cela rejoint d'ailleurs la question de la situation matérielle des professeurs : tant qu'ils ne seront pas correctement rémunérés, la fonction enseignante ne pourra pas être attractive. Les systèmes scolaires qui fonctionnent le mieux sont ceux où le métier d'enseignant jouit encore d'un certain prestige, où il est reconnu et bien rémunéré. Cela est notamment dans le cas dans un système très ouvert, où le redoublement n'existe pas, comme le système finlandais, mais aussi dans un système coercitif comme celui de la Corée du Sud. Les difficultés de l'école dépassent donc largement la question de la nécessité ou non du redoublement...

Sur la question de M. Kennel, il me semble en effet indispensable d'associer les méthodes inductive et déductive. Cela étant, je ne connais pas de professeur qui dispense des cours magistraux, que ce soit en collège ou en lycée. Je suis, de ce point de vue, extrêmement surprise lorsque j'entends la ministre de l'éducation nationale affirmer que l'on ne peut plus faire de cours magistral.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion