Je crois, madame la sénatrice, que c'est l'inaction durant ces dernières années qui menaçait l'activité de fret de la SNCF. On constatait, en effet, un écart considérable entre le discours du gouvernement précédent et la réalité : alors que les intentions affichées étaient très ambitieuses, le fret ferroviaire a vu son chiffre d'affaires reculer régulièrement durant cette période. Qui plus est, son déficit s'est creusé de manière impressionnante, pour atteindre plus de 400 millions d'euros en 2003.
Il était impossible de continuer ainsi, sauf à menacer l'activité fret de la SNCF dans ses fondements mêmes et, au-delà, l'ensemble de l'entreprise, qui ne pouvait accepter un tel foyer de pertes.
C'est donc un plan courageux qui a été décidé l'année dernière et qui est actuellement mis en oeuvre. Il s'accompagne d'efforts financiers significatifs que vous avez vous-même rappelés, madame la sénatrice, puisque 1, 5 milliard d'euros ont été consacrés au plan fret, 700 millions provenant de la SNCF et 800 millions de l'Etat.
Vous évoquez, madame, les contreparties demandées par Bruxelles.
L'accord intervenu avec la Commission résulte d'un dialogue mené depuis plusieurs mois avec ses représentants, et les contreparties que vous avez mentionnées ne correspondent pas à la réalité.
Les exigences de la Commission ne sont pas du tout incompatibles, au contraire, avec un nouvel essor du fret de la SNCF, qui est notre objectif. La mise en oeuvre du plan ainsi élaboré doit placer la SNCF en situation de compétitivité et lui permettre de gagner de nouvelles parts de marché tout en conservant son très haut niveau de qualité technique et de sécurité. L'anticipation de quelques mois de l'ouverture du marché national de fret ferroviaire ne change rien à l'affaire.
L'hypothèse de la filialisation de l'activité fret a été écartée, contrairement à ce que vous indiquiez, madame la sénatrice. Cependant, et c'est parfaitement naturel, cette activité fera l'objet d'une individualisation financière au sein de la SNCF, pour que la Commission ait l'assurance que les aides à la restructuration ne sont pas utilisées à d'autres fins.
Nous prévoyons à compter de 2007, après la phase de réorganisation qui est actuellement conduite, une nouvelle croissance du fret ferroviaire en France. Cet objectif est fondamental, en effet, pour des raisons tant économiques qu'environnementales.
Vous avez cité, madame la sénatrice, le cas de deux entreprises.
La SNCF indique que Ceratera est aujourd'hui la seule utilisatrice du site de Tournon-Saint-Martin et que la ligne nécessite une rénovation complète. Le transport ferroviaire sera maintenu, après réorganisation logistique des expéditions via une autre plateforme, en limitant le recours à la route aux seuls parcours d'approche.
Pour le site de Selommes, le trafic de la ligne n'est pas suspendu et peut continuer d'être assuré en toute sécurité. Cela resterait vrai même si le chargeur souhaitait doubler la capacité actuelle de son silo.
De façon plus générale, une mission a été confiée à M. Chauvineau, ancien membre du Conseil économique et social, en vue d'identifier les partenaires et les territoires susceptibles de prendre l'initiative d'expériences innovantes d'intégration du fret ferroviaire dans les logiques du développement régional et local. C'est dire si nous avons des ambitions pour le fret et à quel point elles doivent être réalisées en liaison étroite avec les collectivités territoriales !
Enfin, vous avez évoqué, madame, l'ouverture à la concurrence du trafic de fret national, qui doit intervenir le 31 mars 2006. Elle devrait permettre de disposer d'une offre complémentaire à celle de la SNCF, notamment pour les dessertes terminales ou isolées, qui sont plus difficiles à gérer par une entreprise de la taille de la SNCF. L'exemple de l'Allemagne, où le fret a été ouvert à la concurrence plus tôt que chez nous, montre qu'en réalité la Deutsche Bahn a profité de ce processus pour développer sa propre activité de transport des marchandises.