Ces trois secteurs de production animale connaissent des tensions sur les prix. Nous mettons en oeuvre en ce moment les aides de la PAC (politique agricole commune) sur lesquelles un travail énorme a été accompli. Nous devrions être en capacité de finaliser les déclarations et d'assurer le paiement pour la fin de l'année, ce qui est une gageure, avec les apurements de l'an dernier, la nouvelle cartographie des aides et la mise en oeuvre de la nouvelle PAC. Nous pourrions même verser des avances, comme nous le faisons chaque année.
Les prix dépendent de facteurs très volatils. En tant que ministre, comment puis-je y remédier ? Le tassement du prix du lait - nous avons évité l'effondrement en début d'année grâce à la négociation avec les acteurs, dont la grande distribution - aurait dû laisser place à une remontée avec le printemps et la mise au pré des vaches. Or on observe une stagnation, de la poudre comme du beurre. Y a-t-il eu une flambée de la production de la poudre ? Oui, même si la France est plutôt bonne élève en la matière. D'autres ont fait des choix offensifs à l'export, avec des conséquences sur les débouchés. Ces deux dernières années, la Bretagne a vu pousser une bonne dizaine de projets de tours de séchage pour lait infantile, souvent pour le marché chinois ou d'autres marchés à l'export, dans le Finistère par exemple. Il faut s'interroger sur les causes, les conséquences et les actions à mener.
La viande porcine est en difficulté depuis dix ans : les producteurs de porc ne parviennent pas à reconstituer suffisamment leur capacité de financement et d'autofinancement, leurs revenus stagnent et 10 à 15 % des exploitations sont au bord de la faillite. Nous avons mis en place des aides ciblées, des allègements de charges, mais cela ne suffira pas. Je me rendrai à l'assemblée générale de la Fédération nationale porcine pour discuter des mesures à prendre. L'organisation de la filière porcine devra évoluer, et notamment le système du grand ouest breton, avec ses marchés au cadran. Nous sommes en effet concurrencés à la fois par les pays du sud, notamment l'Espagne, où les abattoirs ont intégré tout le secteur depuis l'aval, et par les pays du nord - Danemark, Pays-Bas, nord de l'Allemagne - où quelques grandes coopératives l'ont fait depuis l'amont. En comparaison, notre système n'est pas bien organisé ; hybride, il ne permet pas de caler la production sur la demande. Nous devons aider la filière à penser son organisation pour les quinze années à venir.
Nous préparons des décisions radicales sur les promotions commerciales, qui concernent aujourd'hui 70 % des ventes de viande de porc et effacent toute logique de prix. Cela n'a plus de sens : on ne peut plus mesurer l'élasticité prix. Ça va secouer ! Tout le monde s'est habitué à cette situation, qui permet d'écouler les stocks, la grande distribution comme les abatteurs. Notre système de facturation éclate la carcasse et fait de la vente à perte sur certains morceaux, selon la ventilation choisie. J'agirai sur les facteurs conjoncturels comme sur les facteurs structurels, nous avons les outils pour le faire.
La filière bovine a toujours généré les revenus les plus bas, à cause de prix difficiles à maîtriser entre les vaches laitières de réforme et les races à viande : des difficultés sur le marché du lait se traduisent par l'arrivée de vaches de réforme sur le marché de la viande, qui s'en trouve déséquilibré. Le débat entre les éleveurs dits spécialisés et les autres vient de là. Nous devrions pouvoir offrir des aides couplées à la production laitière sans que cela fasse baisser les prix des vaches de réforme. Cela concerne le grand bassin allaitant du centre de la France, mais aussi l'est. Et je ne parle pas des besoins spécifiques de l'engraissement des jeunes bovins, qui concerne surtout l'ouest. Pour résumer : besoin d'organisation, gestion globale du marché, tarification, commercialisation.
Nous devons aussi répondre à des demandes à l'export - la viande française a une excellente réputation ! - qui restent aujourd'hui sans réponse. Nous mettrons tout le monde autour de la table pour bouleverser les habitudes. Heureusement que j'ai le soutien de représentants de la profession : les conflits entre coopératives et abattoirs privés ne me rendent pas toujours la tâche facile. La Malaisie demande 25 000 tonnes de viande bovine française : c'est le ministère qui a dû imposer un accord pour que l'offre y réponde. L'Algérie réclame que les Français organisent une filière d'exportation et d'engraissement sur place de jeunes bovins et gèrent les abattoirs : cela fait deux ans et demi que nous y travaillons. En comparaison, les Allemands ont une filière intégrée et exportent jusqu'à leurs technologies de production animale.
Les prévisions climatiques annoncent dans l'année qui vient un phénomène climatique de type El Niño qui pénaliserait de grands producteurs de céréales comme l'Australie. Cela revalorisera le prix des céréales - tant mieux pour les céréaliers ! Mais cela va aussi renchérir le prix de l'alimentation du bétail. La loi sur la consommation prévoit une renégociation des prix agricoles en cas de hausse des coûts des matières premières. J'en ai parlé avec Emmanuel Macron : si cela arrive, nous la mettrons en oeuvre sans attendre et même en anticipant les problèmes.