Intervention de Jean-Yves Leconte

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 3 juin 2015 à 9h05
Bilan de l'application de la loi n° 2013-659 du 22 juillet 2013 relative à la représentation des français établis hors de france — Examen du rapport

Photo de Jean-Yves LeconteJean-Yves Leconte, rapporteur :

Les élections consulaires ont eu lieu le même jour que les élections européennes. Quelque 117 441 électeurs français établis hors de France ont voté à ces dernières, tandis qu'ils ont été 178 383 aux élections consulaires, dont 77 000 votants électroniques. La mobilisation a été plus importante pour les élections consulaires, où la propagande était dématérialisée - et n'a touché que 75 % du corps électoral -, que pour les élections européennes, où elle était physique. Les candidats ont été plus nombreux et plus jeunes, le vote électronique a été plus pratiqué et plus exploité lors de la campagne. Il a été parfois détourné. Certains se sont déplacés l'ordinateur à la main pour collecter les votes. C'est une dérive. Pourtant, le Conseil d'État estime qu'il n'est pas problématique qu'un ordinateur soit utilisé 150 fois pour voter à des élections politiques, alors que c'est interdit pour les élections professionnelles.

Autre problème, au Québec, une liste avec une composition non paritaire a été enregistrée, tout simplement parce que le consulat avait délivré à tort un récépissé définitif, impossible à retirer, comme l'a jugé le tribunal administratif de Paris. Cette simple erreur administrative nous laisse perplexe sur la force de la loi. Autant la vérification de l'inscription sur les listes électorales peut prendre du temps, autant la vérification du sexe des candidats n'est tout de même pas très compliquée.

Les décrets encadrant les élections ont été publiés en mars 2014 alors que la loi avait été promulguée en juillet 2013, dans des délais très courts.

Les difficultés posées par les procurations découlent d'une erreur de notre part : en première lecture, le Sénat avait prévu une élection directe, avec un système de procuration adéquat - que l'Assemblée nationale n'a pas modifié quand elle est revenue à un vote indirect. Cela nous a échappé.

La loi affiche également des aspects positifs. La participation a augmenté par rapport aux précédentes élections. Le découpage en 130 circonscriptions a été positif, encourageant une mobilisation accrue et un renouvellement des personnes.

Les craintes concernant l'Assemblée des Français de l'étranger ont été levées. Cette assemblée qui compte 90 élus au suffrage indirect, s'est réunie pour la première fois en octobre 2014 sans aucun règlement intérieur, et a réussi à travailler en renouvelant l'exercice tout en gardant les bons côtés de leurs prédécesseurs. Le bilan est positif, malgré la frustration engendrée par les compétences des conseillers consulaires, dont l'avis reste consultatif sur l'action sociale ou l'enveloppe dévolue aux bourses scolaires, par exemple. La collaboration peut être très ouverte ou très restrictive selon les consulats. Il n'y a ainsi pas toujours de concertation préalable à la convocation, qui est du ressort du président, c'est-à-dire l'ambassadeur ou le chef du poste consulaire. Leur implication varie d'un endroit à l'autre.

Quelques difficultés ont été relevées concernant la participation aux conseils d'établissement des conseillers qui sont aussi enseignants dans le réseau des écoles françaises à l'étranger, en termes de liberté d'expression. Une conseillère consulaire n'a même pas été autorisée à participer à une réunion sur les dispositifs « français langue maternelle » (FLAM) aux États-Unis, parce qu'elle était enseignante dans l'établissement concerné.

Sur les questions de sécurité, les choses se mettent en place.

La loi organique de 2014 sur le cumul des mandats traite la vice-présidence d'un conseil consulaire comme une fonction exécutive. Ce n'en est pourtant pas une : toutes les responsabilités incombent au président. Il faudra réfléchir à la place de la vice-présidence. Parallèlement, on ne peut que se satisfaire de la bonne coopération avec le ministère des affaires étrangères et du fait que le président de l'AFE est désormais élu par et parmi les siens.

Malgré nombre d'avancées législatives, il reste des progrès à faire dans la pratique et en matière réglementaire. Ainsi, il faudra revoir le régime d'indemnités : elles sont identiques pour la circonscription de Monaco et pour celle qui va de Téhéran à Astana !

Certaines circonscriptions pour l'élection des conseillers consulaires comptent plusieurs consulats, donc plusieurs conseils consulaires. Par ailleurs, l'existence de plusieurs circonscriptions d'élection empêchent de fusionner les circonscriptions consulaires, ce qui engendre des complications - entre Madrid et Barcelone, par exemple. La loi établit un découpage clair, indépendant de l'organisation diplomatique. C'est aussi une protection par rapport à l'évolution du réseau, connaissant la volonté du ministère des affaires étrangères de sabrer des postes diplomatiques.

Certains élus ont demandé des passeports de service car ils peinent à voyager dans leur circonscription lorsque les visas coûtent plus cher que leurs indemnités.

Le souhait a été émis que le secrétariat général de l'AFE soit plus directif. Avec 130 circonscriptions et davantage de conseils consulaires, les divergences sont nombreuses. Il serait plus simple que le secrétariat général de l'AFE soit aussi celui des conseils consulaires, sous un toit commun.

Des regrets ont été exprimés sur le décalage entre le budget de l'AFE et ce qui avait été prévu. Les économies permises par la baisse des indemnités devaient profiter aux actions de l'AFE, ce qui n'est pas le cas.

Je résume nos propositions. Le vote doit être davantage encadré pour éviter les dérives. Il faut aussi s'interroger sur l'opportunité, lors des élections européennes, d'appliquer les règles électorales prévues pour les Français établis hors de France à ceux qui résident dans l'Union européenne, ces derniers pouvant voter dans leur pays de résidence. Le ministère de l'intérieur s'est attaché à retirer des listes des consulats les électeurs inscrits dans leur pays de résidence, sans prendre en compte la diversité des lois européennes. Ainsi, ceux qui avaient émis une demande d'inscription sur les listes électorales pour les élections municipales dans leur pays de résidence n'y votaient pas obligatoirement pour les élections européennes, et ont pu se trouver privés de vote.

La loi du 22 juillet 2013 nécessite, comme l'a dit M. Frassa, des améliorations à la marge. Les élus sont actuellement contraints d'avancer leurs frais de déplacement, qui peuvent atteindre plusieurs milliers d'euros, car la loi ne prévoit qu'un remboursement a posteriori.

Nous estimons également que les dispositions qui touchent à la dématérialisation complète du matériel électoral vont trop loin.

Nous regrettons que la loi n'aménage pas la possibilité d'organiser une nouvelle élection à Kiev, où le scrutin de 2014 n'a pas eu lieu faute de candidats. Au Paraguay, une nouvelle élection a été organisée. En raison des exigences techniques, le vote par internet a un coût considérable. Le vote par internet ne sera donc pas ouvert pour cette élection.

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