Intervention de Yves Coquelle

Réunion du 3 mai 2005 à 16h00
Énergie — Articles additionnels avant l'article 1er

Photo de Yves CoquelleYves Coquelle :

L'intitulé de la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité est bien trompeur.

Loin de réaffirmer et de conforter les missions de service public d'EDF et de GDF, cette loi ouvrait en réalité la voie à leur privatisation. En transposant dans notre droit national la directive européenne du 19 décembre 1996 relative aux règles communes pour le marché intérieur de l'électricité, elle mettait en marche une mécanique libérale et mercantile dans le secteur de l'énergie, évidemment incompatible avec l'exigence de service public dans ce secteur.

La libéralisation de l'électricité était donc lancée, et nous ne pouvons que regretter que ce soit un gouvernement de gauche qui l'ait permise. Nous le regrettons, car toute libéralisation dans le secteur de l'énergie a pour conséquence de remettre en cause le droit à l'électricité pour tous. En faisant passer les citoyens du statut d'usagers à celui de consommateurs, la priorité était désormais donnée aux intérêts privés au détriment de l'intérêt général.

Déjà, la libre concurrence constituait la motivation d'une telle transposition. Elle reste le moteur d'une libéralisation croissante du secteur de l'énergie. La loi du 3 janvier 2003 relative au marché du gaz et de l'électricité et au service public de l'énergie n'a fait qu'accélérer la déréglementation et la libéralisation du secteur de l'énergie. Avec la loi du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières, elle a préparé l'ouverture du capital d'EDF et de celui de GDF, ainsi que, à terme, l'introduction en bourse de cette dernière entreprise.

Mais en quoi la concurrence pourrait-elle mieux garantir demain le développement et l'indépendance de notre pays ou un meilleur service aux usagers ? Je ne rappellerai pas les récentes coupures d'électricité survenues aux Etats-Unis ou en Italie. Les faits parlent d'eux-mêmes.

Il est donc regrettable que la France ait transposé des directives européennes permettant l'ouverture du marché de l'électricité et du gaz, directives imprégnées de l'idéologie libérale et mercantile qui anime la construction de l'Europe depuis trop longtemps.

Cette idéologie continue d'ailleurs d'inspirer la Constitution européenne, ce qui ne peut que susciter l'inquiétude quant à l'avenir du service public de l'énergie. Le credo de la concurrence libre et non faussée y est inscrit dès l'article I-3 et, ce qui est plus grave encore, les services publics n'y figurent plus, contrairement à ce que vous prétendez lorsque vous citez les services d'intérêt économique général. Ceux-ci n'obéissent pas aux mêmes règles que les services publics puisqu'ils peuvent être soumis à la concurrence. La Constitution européenne, associée à la loi du 9 août 2004, ouvrant le capital d'EDF et de GDF, signe l'arrêt de mort du service public de l'électricité et du gaz.

Nous ne pouvons admettre que l'électricité et le gaz deviennent des marchandises ordinaires soumises aux aléas du marché, alors que ces biens représentent tout simplement des éléments indispensables à la vie quotidienne de nos concitoyens. Nous doutons également que la recherche incessante du prix le plus bas constitue véritablement un progrès pour les usagers. Lorsque le marché de l'énergie destinée aux professionnels a été ouvert à la concurrence, nous avons bien vu que les prix de l'électricité n'ont guère été attractifs et que la libre concurrence, si chère à vos yeux, n'a pas eu les effets escomptés.

Si les défenseurs de la privatisation d'EDF et de GDF arguent souvent des insuffisances et des pesanteurs du secteur public pour justifier sa libéralisation et sa privatisation, on ne les entend que très rarement s'interroger sur les effets pervers de la concurrence dans ce domaine.

Les sénateurs communistes républicains et citoyens sont attachés à un service public de qualité et continueront de le défendre. Le service public a fait ses preuves depuis bientôt soixante ans. C'est pourquoi nous sommes par principe opposés aux lois de 2000 et de 2003, transposant chacune des directives européennes ayant progressivement permis la libéralisation du secteur de l'énergie. Nous en demandons la suppression avec cet amendement.

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