Intervention de Michel Billout

Réunion du 3 mai 2005 à 16h00
Énergie — Articles additionnels avant l'article 1er

Photo de Michel BilloutMichel Billout :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi d'insister sur la situation d'Areva.

Le 15 juin 2004, le représentant du Gouvernement déclarait à propos d'EDF : « Il n'y aura pas de privatisation parce qu'EDF, c'est le nucléaire, et qu'une centrale nucléaire, ce n'est pas un central téléphonique ! Un gouvernement ne prendra jamais le risque de privatiser l'opérateur des centrales nucléaires ».

Pourtant, dès le 20 mai 2003, Bercy confirmait dans le journal Les Echos l'information selon laquelle le Gouvernement avait lancé un appel d'offres pour recruter un banquier conseil, afin d'« accompagner l'Etat dans sa réflexion sur l'avenir stratégique d'Areva », autrement dit le calendrier de la future privatisation de cet établissement, né le 3 septembre 2001 de la fusion de Framatome et de la COGEMA, avec la volonté de rationaliser la filière nucléaire française.

Depuis lors, en novembre dernier, le Gouvernement a annoncé l'ouverture du capital du groupe nucléaire français Areva et la mise sur le marché d'environ 30 % de son capital d'ici à la fin du premier semestre 2005. Cette ouverture se ferait pour l'essentiel aux dépens du Commissariat à l'énergie atomique, qui verrait ses parts passer de 79 % à moins de 60 % : on voit bien ici qu'une évolution sous le seuil des 70 % est toujours possible.

Ce faisant, le Gouvernement a reconduit, s'agissant de l'industrie nucléaire, les logiques qui ont prévalu au sein du groupe Alstom : les profits pour le capital privé, les investissements de long terme et les charges lourdes pour la nation.

En effet, ce premier pas vers la privatisation d'Areva en 2005, une autre étape étant d'ailleurs prévue en 2009, entraîne de nombreuses conséquences.

Tout d'abord, cette mesure ne peut que renforcer les craintes de ceux qui pensent que la sûreté et la protection nucléaire ne sont pas compatibles avec les logiques de rentabilité du capital privé.

A un moment stratégique pour l'avenir de l'énergie nucléaire, les efforts du CEA en matière de recherche seront progressivement remis en cause dans la mesure où une partie non négligeable des ressources financières de cet établissement provient des dividendes d'Areva.

Parallèlement, on peut craindre, comme ce fut le cas pour EDF, que l'exigence d'un retour rapide sur investissement n'entraîne une restriction des efforts de recherche et une réduction des investissements lourds du groupe, ainsi qu'une gestion risquée des provisions accumulées jusqu'à aujourd'hui pour le démantèlement et l'assainissement des installations nucléaires.

Progressivement, notre pays risque de s'orienter vers une politique laissant à la charge de l'Etat, par l'intermédiaire du CEA, les opérations de démantèlement et d'assainissement de ces installations.

Enfin, l'implantation mondiale des activités du groupe pourrait être la porte ouverte à des délocalisations qui fragiliseraient ses bases nationales, en réduisant l'emploi en France.

Nous condamnons cette orientation, qui ne peut que fragiliser à terme la politique énergétique de notre pays.

Rappelons que le groupe Areva est l'un des leaders mondiaux de l'énergie et de la connectique. Regroupant les sociétés T&D, COGEMA, Framatome, Technicatome et FCI, il constitue le coeur de l'industrie nucléaire nationale, tant pour la construction de réacteurs que pour l'ensemble des activités du cycle de combustible. Ce groupe emploie 70 000 salariés - dont 34 000 en France - répartis dans plus de 40 pays.

Il nous faut assurer la permanence de la sécurité nucléaire au sein des activités nucléaires françaises, afin de prévenir les situations à risque et les accidents, tels que ceux qui ont été enregistrés depuis quelques années dans le secteur nucléaire privé japonais.

De plus, seule la puissance publique est capable de réaliser les efforts de recherche et d'investissement nécessaires au développement de l'EPR.

La sûreté et la sécurité, dans un secteur aussi sensible que le nucléaire, sont incompatibles avec les logiques de rentabilité du capital privé.

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