L'article 3 du projet de loi introduit un changement de philosophie en matière de financement de l'apprentissage.
Jusqu'à présent, une taxe était prélevée. Elle servait à financer l'apprentissage par le biais de divers intermédiaires et à prendre en charge, éventuellement, la rémunération du maître d'apprentissage.
Mais le dispositif proposé change la donne. C'est en octroyant un crédit d'impôt à l'entreprise que le Gouvernement veut l'inciter à prendre des apprentis. Il crée un nouveau système qui conduit, en quelque sorte, à rémunérer par le crédit d'impôt une entreprise qui a recours à l'apprentissage. Ce n'est pas du tout la logique qui prévalait jusque maintenant.
Au cours de l'exercice précédent, le financement de l'apprentissage s'est élevé à 100 millions d'euros. Avec la nouvelle mesure, il atteindrait 450 millions d'euros. Ne croyez-vous pas que cette dernière somme serait mieux utilisée si elle était affectée à l'enseignement professionnel scolaire public ?
Par ailleurs, supposons que je défende exclusivement la filière de l'enseignement public : pour quelles raisons financerai-je, par le biais du paiement de mes impôts, un mode d'enseignement privé, car il s'agit bien de cela, sauf, monsieur le ministre, si vous visez des CFA publics ? Or la mesure que vous proposez concerne les CFA aussi bien publics que privés. De ce fait, les chefs d'entreprise seront, en quelque sorte, incités à prendre des apprentis pour des raisons financières, apprentis dont le coût sera pris en charge grâce à l'argent de tous. Un tel système n'est pas du tout performant.
Que va-t-il se passer ? Des effets d'aubaine et d'incitation vont apparaître. Le montant du crédit d'impôt s'élèvera à 100 euros par apprenti et par semaine de présence, ce qui n'est pas négligeable. Cela dit, par parenthèse, alors que tant de larmes de crocodile sont versées au sujet de la rétribution des jeunes stagiaires en entreprise, en l'espèce, force est de constater que « l'on n'y va pas avec le dos de la cuillère » !
Certains patrons jouent fort bien le jeu de l'apprentissage et mettent à la disposition des jeunes des maîtres d'apprentissage très sérieux, mais d'autres sont plus désinvoltes. En l'occurrence, on va leur demander, en termes de gestion, de faire figurer dans leurs bilans une part intitulée « rémunération pour formation d'apprentis ». Il n'est pas convenable de procéder ainsi. Ce n'est pas non plus l'esprit dans lequel, jusqu'à présent, l'enseignement professionnel était dispensé dans notre pays.
Monsieur le ministre, vous êtes en train de mordre le trait et vous n'obtiendrez pas de la mesure les résultats que vous en attendez !