Depuis vingt ans, c'est essentiellement le ministère de l'écologie qui finance les recherches sur la pollution atmosphérique, avec le programme Primequal (Programme de recherche inter-organisme pour une meilleure qualité de l'air à l'échelle locale), qui étudie notamment la pollution de l'air intérieur. Un programme orienté sur les effets sanitaires des polluants environnementaux a été transféré à l'AFSE et existe toujours à l'Anses. Cependant, les programmes spécifiques de l'Agence nationale de la recherche (ANR) mis en place au moment du Grenelle n'existent plus, peut-être à cause de la préférence pour des appels d'offre larges. C'est préoccupant, car les financements sont indispensables si l'on veut préserver la communauté française qui s'est constituée dans ce domaine.
La composition des particules varie selon leur taille. Les polluants provoquent dans l'appareil respiratoire des mécanismes inflammatoires à cause de leur composition propre ou de leur association avec un gaz. Les effets cocktail jouent un rôle majeur, avec l'émission de radicaux libres produits par l'interaction entre le milieu biologique et l'ozone, les oxydes d'azote mais aussi les particules. Ces trois principaux polluants s'associent pour provoquer la réponse, dont l'ampleur varie selon la capacité des individus à se protéger de ce stress oxydant. La réponse inflammatoire a lieu à tous les niveaux de l'appareil respiratoire. Les pathologies sont provoquées par une exposition sur le long terme, par l'effet chronique de ces réponses. C'est pourquoi il nous faut avant tout réduire la pollution de fond, car c'est ainsi que l'on réduira l'apparition des pics de pollution.
Le rôle de l'inflammation est bien connu : il est associé à l'asthme, à la bronchite chronique, aux maladies cardio-vasculaires et à l'évolution possible vers la maladie cancéreuse. L'inflammation en elle-même est une réponse saine ; mais c'est son maintien sur la durée qui engendre la pathologie. Il y a bien une explication causale aux données épidémiologiques observées.
Les particules ultrafines et les nanoparticules manufacturées posent des problèmes comparables : le transfert au niveau alvéolaire. Des études ont été réalisées sur des particules modèles - oxyde de titane, or colloïdal, silice - mais pas sur des particules atmosphériques, même si elles sont de taille équivalente. La barrière alvéolo-capillaire est très mince ; si les particules passent dans le sang, elles peuvent circuler dans tout l'organisme et s'accumuler dans différents organes. C'est, avec l'inflammation chronique, l'un des liens de causalité entre la pollution et les maladies cardio-vasculaires chez les populations à risque, souffrant par exemple de plaques d'athérome.
La recherche est en plein développement sur les franchissements de barrière, notamment sur les nanoparticules intentionnelles produites par l'industrie, nombreuses dans les aérosols mais aussi dans l'alimentation, susceptibles dans ce cas de passer la barrière intestinale. Une étude sur les effets sanitaires à long terme comparant des femmes non fumeuses de Vancouver et de Mexico a révélé dix fois plus de particules dans le parenchyme pulmonaire de ces dernières, comparable à celui de fumeurs ou de mineurs. Il faut dire que les concentrations moyennes en particules à Mexico sont du niveau de celles enregistrées à Londres dans les années 1950. Cette étude est ancienne mais très parlante.
Il n'y a pas d'étude générale concluant au caractère cancérigène du diesel ; seulement des études sur les travailleurs exposés ou des études de mutagénèse ou chez l'animal. L'étude Aphekom est, à ce titre, très intéressante. Elle montre que le seuil de concentration de particules PM2,5 proposé par l'OMS pour réduire les pathologies associées à la pollution atmosphérique, soit une moyenne de 10 microgrammes par mètre cube d'air, apporte un gain d'espérance de vie considérable. L'étude aborde aussi le coût économique de la pollution atmosphérique. J'étais récemment à Marseille pour présenter le PNSE 3 ; j'ai rappelé au maire-adjoint que sa ville était la métropole française la plus polluée, et qu'il faudrait agir... Cela ne lui a pas plu !
Le niveau moyen d'exposition que fixe la directive européenne 2008/50/CE est de 40 microgrammes par mètre cube pour les PM10 - ce qui est beaucoup - avec l'obligation de ne pas dépasser plus de 35 jours par an un niveau de 50 microgrammes. Ces seuils ne sont pas respectés sur 30 % du territoire français, avec des dépassements enregistrés dans quinze agglomérations de plus de 100 000 habitants en 2010 - contre 26 en 2007. Pour les PM2,5, le seuil devrait être fixé à 25 microgrammes par mètre cube, loin de la recommandation de l'OMS, qui est de 10 microgrammes par mètre cube. En 2010, quarante agglomérations françaises dépassaient le seuil des 15 microgrammes. Il reste donc beaucoup à faire.
Le HCSP donne des avis de gestion à partir de données fournies par d'autres organismes, l'évaluation des risques étant du domaine de l'Anses et de l'InVS. Dans son rapport 2012, disponible sur son site Internet, le HCSP fixe des objectifs de qualité de l'air, en moyenne annuelle, de 15 microgrammes par mètre cube pour les PM2,5 et de 25 microgrammes par mètre cube pour les PM10. Les seuils d'information en moyenne journalière, qui déclenchent les messages sanitaires, sont fixés à 30 microgrammes pour les PM2,5 et 50 microgrammes pour les PM10 ; les seuils d'alerte, à 50 microgrammes pour les PM2,5 et 80 microgrammes pour les PM10. Ces seuils sont devenus réglementaires et nous constatons qu'il y a de plus en plus de messages d'information et d'alerte. Si nous parvenons à diminuer les particules, les émissions d'oxyde d'azote et d'ozone diminueront aussi, car les sources sont les mêmes : l'association de polluants, de soleil et d'absence de vent. Il faut agir sur l'ensemble des polluants et diminuer leur niveau moyen pour obtenir un gain sanitaire.