Intervention de Jean-Christophe Vergnaud

Commission d'enquête coût économique et financier de la pollution de l'air — Réunion du 18 mai 2015 à 15h00
Audition de Mm. Jean-Christophe Bureau professeur d'économie à agroparistech et jean-christophe vergnaud directeur de recherche au cnrs

Jean-Christophe Vergnaud, directeur de recherche au CNRS :

Je serai bref car vous avez déjà auditionné M. Olivier Chanel, qui vous a donné l'état de la science sur l'évaluation des coûts économiques des particules. Je me pencherai sur la méthodologie employée pour arriver au chiffrage des coûts d'un polluant. Les particules, les oxydes d'azote (NOx) et l'ozone représentent des cas particuliers puisqu'ils ont fait l'objet de nombreux travaux, ce qui a permis de parvenir à un chiffrage. Pour nombre d'autres polluants, cela n'est pas possible, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) ne disposant pas des données d'exposition ni d'épidémiologie.

Les différences d'évaluation du coût pour la société peuvent être très importantes. L'OCDE a estimé le coût des particules à 30 milliards d'euros pour la France, contre trois à quatre millions d'euros par an selon l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP). Le coût sociétal est obtenu en dégageant des cas à partir des données épidémiologiques d'exposition et des données des doses-réponses, puis en valorisant ces cas selon la méthode du « consentement à payer ». Or nous ne connaissons pas la valeur que les gens sont prêts à dépenser pour réduire la pollution. Il n'existe pas de marché où s'exprimerait ce montant. Il faut donc mener des enquêtes particulières - M. Luchini aurait pu vous dire comment sont construites ces valeurs. Les gens paient en revanche pour être soignés : mais ce coût, fourni par la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam) ou l'AP-HP, inclut seulement ce qui se consomme à court terme.

Le second fossé entre les données chiffrées est dû la différence entre les effets de court et de long terme. Les chiffres de l'AP-HP portaient sur les conséquences des pics de pollution, bronchites ou crises d'asthme nécessitant une hospitalisation, soit une petite partie des coûts de l'asthme ou des maladies cardio-vasculaires à long terme. Une étude menée sur trois pays, à laquelle j'ai participé, a montré que le coût de la mortalité était mille fois plus élevé que le coût de l'asthme en période d'exacerbation.

Je voudrais également souligner que depuis l'époque de ces premières études, la France a connu une série de non-décisions. En 2000, environ 40 % des véhicules neufs utilisaient du diesel. En 2008-2009, cette proportion avait atteint 70, voire 80 %. Il y a eu une incitation continuelle à acheter du diesel malgré les études à ce sujet. Un travail de lobbying a probablement fait valoir les doutes sur les liens de causalité.

A l'inverse, au début des années 2000, on était certain que les évolutions technologiques des pots d'échappement, telles que les filtres à particules, seraient favorables à l'environnement. Personne ne soulevait d'incertitude sur leur efficacité. Or celle-ci a été bien moindre dans les conditions réelles qu'en laboratoire. Le rapport de la commission Boiteux évaluait à 9 % par an la baisse de la pollution par les particules grâce aux évolutions technologiques. A ce rythme, elle aurait dû disparaître en dix ans. Or selon Airparif, la diminution des particules n'a été que de 15 % en dix ou quinze ans. Les incertitudes ont été utilisées pour faire valoir des intérêts particuliers.

J'en terminerai en soulignant l'opposition entre court et long termes. Le coût d'une exposition répétée, jour après jour, est moins visible mais plus lourd. Gérer uniquement les pics de pollution est très coûteux et n'apporte pas grand-chose.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion