Sur la question de la taille, il est vrai qu'il existe de très petites communes. C'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles nous avons inventé l'intercommunalité : faire en commun ce qui ne pouvait être fait seul. La première réponse à la dispersion communale en France est l'intercommunalité. Superposer les niveaux n'apportera pas d'amélioration. L'idée sous-jacente au seuil est qu'en dessous d'une certaine taille, les communes ne devraient plus exister. Ces constats soulèvent la question de la conciliation de la décentralisation et des prescriptions imposées par l'Etat : pouvons-nous encore parler de décentralisation au-delà d'un certain seuil d'obligation législative ou réglementaire ? En 1982, j'ai fait partie des rapporteurs des lois de décentralisation, en tant que député et rapporteur du budget du ministère de l'Intérieur. Nous expliquions alors que la décentralisation consistait à rapprocher le pouvoir du citoyen. La tendance à vouloir l'en éloigner n'est pas conforme à cette conception initiale.
L'autre réponse sur la question de la taille des communes est la « commune nouvelle » que propose l'AMF, à condition qu'elle soit librement consentie. C'est une idée audacieuse, autour de laquelle un mouvement prend forme. La semaine du 25 mai, l'AMF organise une journée sur la commune nouvelle qui réunit plus de 1 500 acteurs. Pour que ce mouvement se développe, il ne faut pas lui imposer de contraintes. Faire de la commune nouvelle un instrument de fusion obligatoire ne ferait que générer des résistances. Rappelons que 95 % des communes sont passées en intercommunalité à la libre initiative des élus locaux, les 5 % restants étant principalement situés en Île-de-France. La liberté n'est pas un frein et elle n'est pas inefficace.
Le suffrage universel direct, quant à lui, existe déjà dans les intercommunalités. Le vote sur liste fléchée en relève. La démocratie étant fragilisée, je vous conseille de faire preuve de prudence.
Je suis, par ailleurs, favorable au renforcement du rôle des Commissions départementales de la coopération intercommunale (CDCI) pour définir le seuil pertinent par département. Cette mesure me semble adéquate.
Je ne nie pas l'existence d'intercommunalités défensives. Toutefois, l'intention qui a présidé à leur constitution ne les a pas toutes empêchées de trouver les moyens de leur action. L'intercommunalité du lac d'Eguzon, par exemple, est l'une des plus dynamiques de mon département, alors qu'elle ne regroupe que 4 500 habitants. D'autres, qui regroupent davantage de membres, sont des coquilles vides. Le sujet n'est donc pas la taille, mais bien le contenu de l'intercommunalité. Dans ma région, j'ai été le second à en créer une. Elle rassemble aujourd'hui plus de 20 000 habitants et fonctionne depuis vingt ans. Ma connaissance du terrain me permet d'affirmer qu'il n'existe pas un seuil uniformément pertinent. Il est préférable de laisser cette décision aux élus locaux.
Enfin, je comprends vos interrogations sur la mutualisation. Elle est utile, mais coûte plus cher qu'elle ne rapporte. Un schéma de mutualisation est indicatif : il n'est pas obligatoirement mis en oeuvre. Dans ma commune, je me bats contre les transferts de personnel, car ils entraîneraient 200 000 euros de charges supplémentaires. Je recommande donc de ne pas les rendre obligatoires. Cessons d'imposer des corsets législatifs et réglementaires qui ne règlent rien.
S'agissant du calendrier, je préside le groupe de travail du Comité des finances locales sur la DGF, dont la première réunion a eu lieu le 20 mai dernier. Nous tiendrons cinq autres réunions et rendrons nos propositions le 16 juillet prochain, si nous parvenons à en construire. Ma réserve est liée à la difficulté de construire la DGF dans une période de réduction des dépenses publiques. Dans la perspective de la loi de finances pour 2016, nous pouvons examiner une série de pistes, mais nous ne pourrons très difficilement réformer la DGF dans un contexte de baisse des ressources. Les augmentations d'impôts constituent une autre piste : elles sont relativement modestes. En 2015, elles s'élèvent en moyenne à 1,6 % pour l'ensemble des collectivités territoriales. Les deux tiers des intercommunalités n'ont pas modifié le niveau de l'impôt local, alors que l'effort est souvent porté sur la première année des mandats. La chute de l'investissement, en revanche, est réelle : elle atteint 10 %. En deux ans, les investissements ont baissé de 17 %, alors que 10 % d'investissement des collectivités territoriales représentent 2 points de PIB. Nous avons ainsi perdu 3 à 4 points de PIB ces deux dernières années. Le rapport de l'AMF sur les finances locales devrait confirmer ces impacts. Il y a quelques mois, l'AMF a demandé au Premier ministre l'ouverture d'une négociation sur les finances des communes et des intercommunalités. Nous espérons qu'il nous soumettra des propositions tournées vers l'investissement. Celui-ci doit être soutenu, même si l'élasticité des dépenses reste faible. Le réduire a des conséquences aussi graves que fermer des services publics.