Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la loi de 1905 instituant la séparation des Églises et de l’État a instauré une laïcité à la française dont les contours, variables faute de véritable définition constitutionnelle, ont fortement évolué. Elle repose sur une dualité antagoniste entre la sphère privée, où la liberté de chacun prévaut, et la sphère publique, où c’est la neutralité religieuse qui prévaut. Ainsi, l’État et les collectivités locales ne doivent ni intervenir dans les affaires religieuses ni financer des besoins liés aux religions.
Cependant, la situation n’est pas toujours aussi simple. Les maires sont confrontés à des problématiques complexes. Je tiens à souligner l’intérêt du rapport remarquable rédigé par Hervé Maurey : notre collègue a réalisé un travail approfondi et nuancé sur cette question du financement des lieux de culte, qui préoccupe les élus, travail initié sous la présidence de Jacqueline Gourault.
Mes chers collègues, vous le savez, le principe est l’interdiction de toute aide directe ou indirecte au culte. Les subventions des collectivités locales aux associations cultuelles ou destinées aux lieux de culte sont donc prohibées. Néanmoins, nos communes, le plus souvent propriétaires des lieux de culte construits avant 1905, peuvent les entretenir et les réparer, sans pour autant pouvoir faire les dépenses qu’elles souhaiteraient, sauf si un intérêt public local est reconnu, dans le respect de certaines conditions.
Le Conseil d’État estime que, si l’initiative locale répond à un besoin de la population, la dépense est alors légale. La commune devra toutefois veiller à la mixité des bénéficiaires de l’équipement financé, selon un principe d’intérêt général. Faire la part des choses est donc loin d’être toujours aisé !
À cette difficulté vient s’ajouter la question du financement. Comme cela a été rappelé, ce patrimoine communal, qui doit être entretenu, pèse très lourd dans les budgets des communes. Dès lors, comment aider les maires à trouver des financements ?
En premier lieu – cela a été souligné –, une meilleure information des élus sur les dispositifs existants s’impose.
La problématique diffère selon que l’église est classée ou non. Si les églises classées sont éligibles aux aides des directions régionales des affaires culturelles, les DRAC, ce n’est pas le cas des églises non classées, et elles sont largement majoritaires. Les communes se trouvent alors dans l’impossibilité d’entretenir un patrimoine reçu en héritage.
Dans mon département, l’Ille-et-Vilaine, où plusieurs communes sont confrontées à de réelles difficultés, nous avons pu affecter une partie de la dotation d’équipement des territoires ruraux à des travaux de mise en sécurité de ces édifices, et seulement à ces travaux. N’est-ce pas là une idée à reprendre au niveau national ?
Si l’entretien des églises pose un certain nombre de problèmes, que dire de la construction de nouveaux lieux de culte, dont les demandes prospèrent ? En effet, le paysage religieux français a beaucoup évolué depuis plusieurs décennies, confrontant de plus en plus les maires à ce type de demandes. Les élus se retrouvent souvent très seuls sur un sujet parfois mal perçu par la population.
Face à cette situation complexe, les maires sont souvent contraints, dans un souci de pragmatisme, d’user d’outils fournis par l’évolution de la jurisprudence.
Ainsi, le bail emphytéotique représente un dispositif efficace pour construire un édifice cultuel. Toutefois, le régime de l’option d’achat de l’édifice à l’issue de l’échéance par les associations cultuelles doit être précisé pour apporter les garanties juridiques nécessaires aux communes : comment s’assurer, à la signature d’un tel bail, que le bien sera racheté à son échéance, et par qui ? Qu’arrive-t-il si le bâtiment est abandonné pendant la durée du bail ? Comment éviter que le bâtiment ne revienne à la charge de la commune ?
Par ailleurs, certaines communes peuvent accorder une garantie d’emprunt aux groupements cultuels afin de faciliter l’obtention d’un prêt bancaire. Dans son rapport, notre éminent collègue Hervé Maurey propose un élargissement de cette possibilité à l’ensemble du territoire. Si cette idée est excellente, ce dispositif peut néanmoins présenter des risques financiers non négligeables pour les communes, qu’il convient donc de sécuriser.
Enfin, le droit de l’urbanisme peut aussi constituer un outil extrêmement pertinent pour réserver un emplacement ou protéger dans le plan local d’urbanisme un édifice cultuel pouvant avoir également une vocation culturelle. À cet égard, la recommandation du rapporteur visant à mieux maîtriser les lieux d’implantation en précisant clairement les emplacements de ces édifices dans le PLU permettrait à la fois de sécuriser les maires et, surtout, de provoquer un débat très en amont, donc plus apaisé avec les administrés.
La tendance à adosser un projet cultuel à un projet culturel est évidemment ambivalente et sujette à interprétation. Les distinctions jurisprudentielles sont d’ailleurs parfois équivoques. Cette zone un peu trouble permet aux maires ou, parfois, à l’État de déroger à la loi de 1905 en participant au financement de lieux de culte. Aussi, une distinction très officielle entre ce qui peut relever du culturel et ce qui peut relever du cultuel semble indispensable non seulement pour conforter et sécuriser les élus, mais également pour éviter les dérives.
Un autre sujet important a aussi été évoqué, je veux parler de l’opacité qui règne autour du financement de certains lieux de culte. Nous savons tous que des mosquées, notamment, sont construites grâce au concours financier de pays étrangers, ces apports pouvant représenter jusqu’à 50 % du financement. Ce constat interroge l’État républicain et pose la question de la souveraineté et de l’influence de la situation géopolitique internationale sur le fait religieux. Monsieur le rapporteur, les élus réclament effectivement un meilleur contrôle des flux financiers et de l’origine de ces fonds.
Comme on le voit, les élus locaux sont sans cesse sur le fil du rasoir, jouant un numéro d’équilibriste sans filet de sécurité.
La jurisprudence a évolué et assoupli la loi de 1905 en apportant des réponses nouvelles conciliant laïcité et réalité du terrain. Pour autant, il paraît incontournable de clarifier certains outils afin de sécuriser les maires juridiquement et financièrement, et de leur permettre d’affronter plus sereinement cette problématique.
Notre groupe, l UDI-UC, très attaché à l’esprit de la loi de 1905, soutiendra les propositions du rapporteur de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation.