Intervention de René Vandierendonck

Réunion du 9 juin 2015 à 14h30
Débat sur le thème : « les collectivités territoriales et le financement des lieux de culte »

Photo de René VandierendonckRené Vandierendonck :

Il importe de dire qu’en tout point ce schéma, qui est toujours en vigueur, s’inscrivait strictement dans le cadre républicain délimité par la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État, ainsi que par son interprétation par le Conseil d’État, qui a rendu, depuis, cinq importantes décisions d’assemblée le 19 juillet 2011.

Monsieur le rapporteur, cher Hervé Maurey, le groupe socialiste se réjouit, d’une part, que vous ne remettiez pas en cause, dans votre rapport, les équilibres de la loi du 9 décembre 1905, et, d’autre part, que vous soyez resté prudent sur les régimes d’exception d’Alsace-Moselle et d’outre-mer.

Vous proposez un certain nombre d’avancées, en sept recommandations articulées autour de trois axes. Parcourons-les ensemble, si vous le voulez bien.

Les deux premières recommandations concernent l’information des maires. Il s’agirait de les informer, par voie de circulaire du ministère de l’intérieur, dans un souci de sécurité juridique accrue, d’une part, sur les types de dépenses pouvant être engagées au titre de la conservation et de l’entretien des édifices propriétés de la commune, et, d’autre part, sur les possibilités d’aides financières des communes pour des réparations d’édifices cultuels appartenant aux associations cultuelles, ainsi que sur les conditions de mise à disposition de locaux au bénéfice de ces dernières.

Sur ces deux sujets, il faut rappeler que la circulaire du ministre de l’intérieur du 29 juillet 2011, intitulée Édifices du culte : propriété, construction, réparation et entretien, règles d'urbanisme, fiscalité, fait un point relativement précis sur le champ des possibles.

Aller au-delà pose donc nécessairement le problème de la nature de la norme employée. Je préfère une circulaire interprétative, qui conserve la souplesse de l’interprétation de la jurisprudence, à un texte qui viendrait la figer.

Concernant l’amélioration du dialogue entre les collectivités et les associations cultuelles pour permettre l’implantation de nouveaux lieux de culte, le rapport contient trois autres recommandations.

La première recommandation vise à étendre le dispositif des garanties d’emprunt pour la construction d’édifices cultuels à l’ensemble du territoire. Cette proposition impliquerait de modifier la loi, notamment les articles L. 2252-4 et 3231-5 du code général des collectivités territoriales. Cela étant, cette question mérite d’être posée et de faire l’objet d’une investigation complémentaire.

Permettez-moi de vous rappeler la philosophie des décisions d’assemblée rendues par le Conseil d’État en juillet 2011 : soucieux d’éviter le risque de subventions déguisées, le Conseil d’État demandait que la garantie d’emprunt fût effectuée dans l’intérêt général. Je me demande s’il ne faut pas creuser cette piste.

La deuxième recommandation concerne les baux emphytéotiques administratifs.

Je comprends le cheminement de pensée qui vous a conduit à formuler cette proposition, monsieur le rapporteur. Il s’agirait d’autoriser les collectivités territoriales et les associations cultuelles à conclure un bail emphytéotique prévoyant, à l’issue de l’échéance, une option d’achat pour ces associations, afin d’éviter que les communes ne deviennent propriétaires au terme du bail. Vous avez considéré que le fait d’offrir une option d’achat à une association cultuelle à la fin du bail manifestait une volonté de pérenniser l’affectation religieuse du lieu.

Je voudrais, pour ma part, faire valoir un autre argument : la jurisprudence actuelle du Conseil d’État permet que ces baux emphytéotiques soient passés sur des durées non seulement longues mais éventuellement reconductibles, et, de surcroît, à des conditions assez modiques de prix. Le Conseil d’État estime en effet que la contrepartie est précisément le retour dans le patrimoine de la collectivité publique au terme du bail. Cette analyse mérite elle aussi d’être approfondie pour se prémunir contre le risque de subventionnement déguisé.

Je suis donc prudent sur la possibilité de rompre l’équilibre entre la modicité de la redevance et la contrepartie – l’incorporation du bien dans le patrimoine de la collectivité –, même si je conviens que la question mérite d’être posée, monsieur le rapporteur.

J’en viens à la troisième recommandation, sur laquelle vous me pardonnerez de ne pas être en accord avec vous. Vous proposez en effet de permettre, dans le cadre des PLU, de repérer les zones susceptibles d’accueillir l’implantation potentielle d’édifices cultuels.

Dans le Nord - Pas-de-Calais, cette proposition est loin de faire l’unanimité parmi les représentants des cultes quand je les consulte. Je fais observer également que le maire qui ne voudrait pas d’un lieu de culte sur sa commune aurait la possibilité d’exclure d’emblée de son PLU tout zonage de ce type.

Pour ma part, ce que je vois au quotidien, toujours dans ma région du Nord-Pas-de-Calais, ce sont des maires qui exercent leur droit de préemption en vue d’acquérir des biens, et ce précisément pour éviter des implantations de lieux de culte !

Je voudrais attirer votre attention sur un rapport d’information relatif aux discriminations produit par Mme Benbassa et M. Lecerf, dans lequel nos deux collègues se demandaient comment sanctionner le maire qui exerce illégalement son droit de préemption pour empêcher une liberté publique de s’exercer. Cette question, nous aurions intérêt à nous la poser à nouveau aujourd’hui.

La dernière série de recommandations de votre rapport, monsieur Maurey, concerne le contrôle et le renforcement de la transparence.

Vous préconisez tout d’abord un décret en Conseil d’État pour solenniser en quelque sorte « la ligne de partage des eaux » entre le culturel et le cultuel. Je salue votre souci de clarté, mais je pense que cela desservirait la cause que vous entendez défendre. Mieux vaut laisser la souplesse à la jurisprudence sur ces questions.

Votre septième recommandation a trait à la traçabilité des financements. À Roubaix, j’ai essayé d’inciter des associations cultuelles – je les ai même accompagnées sur cette voie - à choisir, dans la loi de 1905, la formule de grande capacité juridique, celle qui donne droit à exonération fiscale et assure la traçabilité des sources de financement. Résultat ? Pas une association, pas une, mes chers collègues - pas d’association cultuelle catholique, pas la moindre pagode, aucun temple protestant, aucune mosquée - n’a accepté la formule en question !

M. Maurey pense régler le problème en prévoyant un contrôle de l’origine des fonds par un commissaire aux comptes. Je crains que ce contrôle, dont je vois bien la finalité, ne soit pas possible dans l’état actuel de la jurisprudence du Conseil d’État s’agissant de l’exercice de la liberté de culte.

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