…, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nul doute que l’industrie ferroviaire fait aujourd’hui la fierté de la France. Notre vaste et complexe réseau est envié dans le monde entier.
Pourtant, il s’agit de regarder la réalité en face et de bien amorcer le virage que nous abordons. Notre réseau a vieilli, ses infrastructures deviennent obsolètes, et donc dangereuses. Une grande partie de nos trains, après des décennies d’utilisation, commence à ne plus correspondre aux attentes de notre temps.
L’industrie ferroviaire est en danger. Avec une production de TGV et de trains régionaux qui fléchit, le chiffre d’affaires pour le matériel roulant « passerait de 1, 4 milliard d’euros en 2014 à 300 millions en 2018 », selon la Fédération des industries ferroviaires.
Si nous ne voulons pas que s’écroule tout un pan de notre industrie, l’État doit réagir et retrouver le rôle qui était le sien voilà trente ans : celui d’un État stratège.
Rappelons que c’est grâce à l’impulsion et au soutien de Georges Pompidou que l’aventure du TGV a commencé et connu sa folle épopée. Pendant des décennies, l’État a eu une vision globale du développement du ferroviaire. « État stratège » était une expression qui avait un sens et une réalité. L’État a su mettre à profit la croissance des Trente Glorieuses pour penser la stratégie du ferroviaire et sa cartographie dans son ensemble.
Aujourd’hui, cette vision a totalement disparu, ce qui risque de mettre en péril l’ensemble d’une filière, laquelle se trouve à la croisée des chemins.
En effet, c’est toute une politique du déplacement qu’il nous faut repenser. Les technologies ont changé, les exigences ne sont plus les mêmes. Le train du futur doit être plus économe en énergie, moins polluant, il doit développer sa capacité de transport et répondre aux nouveaux besoins de mobilité, dans un avenir où la voiture verra son importance diminuer.
Si nous voulons garder notre place et ne pas nous laisser distancer dans la concurrence internationale, nous devons démontrer que nous sommes capables d’amorcer ces évolutions d’abord chez nous. La qualité de notre réseau et de notre industrie ferroviaire est la condition d’une bonne exportation. Notre capacité à exporter dépend de ce que nous sommes capables de faire en France. Le chiffre d’affaires du ferroviaire mondial augmentera de 2, 7 % par an pendant les cinq prochaines années : à nous de ne pas laisser passer cette opportunité !
Pour cela, l’appui de l’État est selon nous indispensable, pour fédérer et investir.
D’abord, il convient de fédérer tous les acteurs de la filière, de penser le ferroviaire de demain et d’orienter une véritable stratégie en faveur d’une cartographie réfléchie et d’un réseau véritablement pensé, et non pas de procéder par annonces, au gré des campagnes électorales, comme vous en avez pris l’habitude.
Prenons l’exemple du fret. Pourquoi a-t-il chuté de 31 % de 2003 à 2013, alors que, dans le même temps, il augmentait de 15 % chez nos voisins allemands ? Pourtant, c’est un mode de transport incontournable pour l’avenir.
Ensuite, il s’agit d’investir et de permettre à la filière de le faire, notamment avec le soutien de la Caisse des dépôts et consignations, à défaut de celui, direct, de l’État, puisque Bruxelles et votre fameuse Union européenne nous l’interdisent. Il faut mettre un terme aux dépenses sans lendemain, dues à une gestion irréfléchie, et les remplacer par des investissements d’avenir : ne pas forcément dépenser plus, mais dépenser mieux, pour ceux qui nous succéderont.
Il faut être cohérent. Aujourd’hui, le Gouvernement relance le programme du TGV du futur, alors qu’hier il annonçait la fermeture possible de certaines lignes Intercités. Dans quel but ? Dans quelle optique ? Dans quelle stratégie globale cela s’inscrit-il ? Nous n’en savons rien !
Si nous ne retrouvons pas un véritable État stratège, qui oriente et conduit notre politique industrielle, si nous ne mettons pas en place une stratégie globale en faveur du développement du ferroviaire, il sera impossible de sortir de la léthargie dans laquelle nous sommes malheureusement plongés.
Merci, madame le président.