Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, dans le cadre de la commission sur l’avenir des trains d’équilibre du territoire, présidée par le député Philippe Duron, un rapport a dernièrement été remis au Gouvernement.
Je souhaite, comme l’a fait notre collègue Louis Nègre, attirer votre attention sur l’avenir de l’industrie ferroviaire française, et plus particulièrement réagir après la publication de ce rapport, qui a marqué les esprits en posant la question de l’avenir des trains d’équilibre du territoire.
En effet, dans ses conclusions, rendues publiques le 26 mai dernier, ce rapport préconise l’abandon par l’État de nombreuses lignes nationales.
Tout d’abord, il est à noter qu’il s’inscrit dans la volonté du Gouvernement de réduire la participation financière de l’État pour ce qui concerne les volets ferroviaires des contrats de projet État-région.
Soulignons également la libéralisation des liaisons en autocars entre les grandes villes, rendues possibles par la loi Macron, qui offre une justification idéale à l’abandon du rail.
L’alternative routière pour le transport des voyageurs, préconisée dans ce rapport, n’est pas la réponse aux besoins.
Comment peut-on, dans le projet de loi relatif à la transition énergétique voté voilà quelques jours en nouvelle lecture par l’Assemblée nationale, indiquer, au paragraphe 4 de l’article 9 B, que, « pour le transport des personnes, l’État encourage le report modal du transport routier par véhicule individuel vers le transport ferroviaire » et, dans le même temps, remettre en cause d’une façon aussi radicale l’avenir des TET ?
L’autocar n’offrira jamais le même service et, comme le soulignait notre collègue Annick Billon, « la solution de l’autocar peut être pertinente dans certaines situations, mais sa généralisation me semble peu cohérente avec les préoccupations de transition énergétique et de bilan carbone ». À cet égard, le transport ferroviaire a aujourd’hui davantage sa place parmi les modes de transport.
Nous assistons, à l’heure actuelle, à une remise en cause profonde du rôle du ferroviaire dans notre pays, ce qui risque d’avoir des conséquences néfastes sur l’aménagement du territoire. Une fois encore, ce sont les territoires les plus ruraux qui seront les plus touchés, les plus abandonnés, les plus oubliés au titre des politiques de déplacement.
Comme le disait notre collègue Rémy Pointereau, il est facile, de tuer les lignes des TET : il suffit, pour en détourner les voyageurs, d’y mettre le plus mauvais matériel, d’instaurer de faibles cadencements et de définir des horaires inadaptés.
Par ailleurs, il est urgent de se pencher sur le financement du rail. L’État français n’y participe qu’à hauteur de 32 %, contre 90 % en Suède et 50 % en Allemagne. Dans ces conditions, n’est-il pas temps de réfléchir à la possibilité, pour l’État, de reprendre à son compte les 36, 78 milliards d’euros de la dette SNCF Réseau, ex-RFF ?
Si ce choix budgétaire n’est pas engagé, le risque est grand d’inquiéter une nouvelle fois les élus locaux, qui verront dans le rapport Duron la mort programmée des lignes des TET, c'est-à-dire les trains Intercités.
J’en viens aux conséquences sur le territoire des préconisations de ce rapport. Si tout le monde s’accorde à faire le constat d’un réseau délaissé depuis des années, sur lequel roulent des trains en fin de vie, c’est une désertification du territoire entier qui se prépare aujourd'hui.
Or, parmi les lignes menacées, même les moins fréquentées ont leur utilité. Elles permettent aux villes moyennes de bénéficier d’une desserte. Avec ce rapport, c’est la mission de service public assurée par la SNCF grâce aux trains Intercités, qui desservent chaque jour 355 villes dans 21 régions, qui est remise en cause.
Il est certes nécessaire de réorganiser ces liaisons, mais le risque est d’abandonner celles qui sont le moins fréquentées, alors qu’elles représentent un moyen de lutte efficace contre la désertification de nombreuses villes.
Dans un contexte de restrictions budgétaires, alors que les entreprises telles qu’Alstom disposent de contrats de commandes grâce aux contrats-cadres conclus avec les régions pour les TER, seule une petite partie d’entre eux s’est traduite en commandes effectives. Selon les propos de la direction générale d’Alstom Transport, « seules 218 commandes de trains ont été passées pour les TER sur les 1 000 que prévoit le contrat-cadre. »
Dans les prochaines semaines, des décisions capitales doivent intervenir, qui auront notamment des répercussions en termes d’emploi.
En effet, comme l’a rappelé Louis Nègre, sur les 21 000 emplois de la filière, 10 000 à 15 000 emplois directs et indirects sont menacés dans quatre grands bassins d’emplois industriels : l’Alsace, le Nord-Pas-de-Calais, la région Poitou-Charentes et la Franche-Comté.
L’absence de plan de charge provoquerait la disparition des compétences au sein des entreprises, fragiliserait la filière et les territoires, et causerait le déclin d’une filière industrielle mondialement reconnue pour son savoir-faire puisqu’elle se place au troisième rang mondial.
Au-delà du démantèlement du service public, c’est toute l’industrie ferroviaire française qui serait touchée : le site de La Rochelle, pour le train à très grande vitesse et le tramway, celui de Belfort, pour les locomotives, et celui de Reichshoffen, pour les trains régionaux et Intercités.
D’ailleurs, comme l’indiquent mes collègues du Bas-Rhin, il est important d’attirer l’attention sur le site de l’entreprise Alstom Transport à Reichshoffen. Celui-ci a fait l’objet d’investissements importants ces dernières années, afin notamment de pouvoir répondre dans d’excellentes conditions aux commandes de rames Régiolis par les régions de France. Or la réalité des marchés va provoquer un creux important dans le plan de charge du site Alsthom-Reichshoffen et, plus globalement, pour Alsthom Transport, à partir de la fin de l’année 2017, ce qui risque de fragiliser tout un secteur industriel dans son activité en direction du marché intérieur.
J’évoquerai également le site de Valenciennes, pour le métro, le RER et le tram-train. Étant donné, la brièveté du temps de parole imparti à notre groupe dans ce débat, ma collègue Valérie Létard m’a chargé de vous questionner, monsieur le secrétaire d’État, sur deux problématiques, qui impactent particulièrement les acteurs de l’industrie ferroviaire, tout spécialement dans le Valenciennois.
La première est celle de la démarche de la Nouvelle France industrielle, qui fait suite à celle des Usines du futur. Le 16 mars dernier, lors de son audition devant la commission des finances du Sénat, M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, a déclaré : « Une autre bataille industrielle s’ouvre : le 4.0, ou comment inventer l’usine du futur. »
L’organisation de l’outil productif change puisque la production industrielle est désormais mariée avec le numérique et les services qui y sont liés. Les produits que l’on vend ne sont plus seulement matériels : s’y ajoutent de l’intelligence embarquée et des services.
Il faut donc que ces usines redeviennent des sites pilotes performants et privilégient des nouveaux process de conception et d’assemblage des trains.
Comment les industriels peuvent-ils s’inscrire dans les actions du « plan pour l’industrie du futur », annoncé par le Gouvernement le 18 mai dernier ?
J’ai souvent entendu, dans cet hémicycle, des voix s’interroger sur le déclin industriel français. Si aucune décision positive n’est prise dans les plus brefs délais, c’est tout un pan de notre fleuron industriel qui va s’écrouler.
C’est pourquoi je souhaite savoir s’il est dans l’intention du Gouvernement de mener enfin une politique active de soutien à l’industrie ferroviaire de notre pays, eu égard non seulement à la sauvegarde et à l’aménagement de notre territoire, mais aussi à la survie de nos entreprises.