Intervention de Jean Bizet

Réunion du 9 juin 2015 à 14h30
Débat sur le thème : « l'avenir de l'industrie ferroviaire »

Photo de Jean BizetJean Bizet :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens à remercier à mon tour la commission du développement durable d’avoir pris l’heureuse initiative de ce débat sur l’avenir de l’industrie ferroviaire française. L’actualité du thème est évidente sur le plan intérieur. J’ajoute qu’il s’agit d’un sujet brûlant pour l’Union européenne.

En effet, le conseil « transports » doit se prononcer après-demain sur le quatrième « paquet ferroviaire ». Cette expression désigne un ensemble de six textes ayant pour objectif commun d’accroître la part des chemins de fer dans les transports de passagers.

Le moment est donc particulièrement bien choisi pour examiner la contribution que le droit européen en cours d’élaboration apportera à l’avenir de l’industrie ferroviaire. Par nature, l’achèvement de la libéralisation augmentera la demande adressée à l’industrie. Il s’agit là d’une perspective à relativement long terme. Elle fait l’objet de ce que l’on dénomme le pilier politique du quatrième « paquet ferroviaire ». Lorsqu’il entrera en vigueur, ce pilier politique étendra la concurrence aux transports de passagers par train au sein de chaque État membre.

Actuellement, la concurrence ne peut s’exercer que pour les transports internationaux de passagers, ainsi que pour l’ensemble du fret ferroviaire, qu’il soit international ou purement national. Cette libéralisation a-t-elle tenu ses promesses ? Pas autant que nous l’aurions souhaité au sein de cette assemblée : les conditions techniques de certification et de signalisation ferroviaire induisent des frais qui empêchent les opérateurs de proposer des tarifs plus attractifs aux passagers.

Ce double constat justifie que l’on accorde la plus grande importance au pilier technique. Celui-ci comporte, notamment, un projet de règlement tendant à généraliser les spécifications techniques d’interopérabilité valables pour l’ensemble de l’Union européenne.

Ce processus permettra d’éliminer progressivement les 11 000 règles nationales encore en vigueur aujourd’hui, soit plus de 400 par État membre en moyenne. Ce même projet de règlement conférera un rôle spectaculairement accru à l’Agence ferroviaire européenne.

Aujourd’hui, l’utilisation du matériel ferroviaire sur le réseau d’un État membre suppose que l’autorité ferroviaire nationale ait autorisé celle-ci. Chaque organisme utilise ses propres normes, avec des procédures spécifiques. La Commission européenne a observé que le coût d’une procédure d’autorisation dans un seul État membre peut atteindre 10 % du prix de revient industriel. Un fabricant de locomotives souhaitant proposer sa dernière motrice à un opérateur dont l’activité couvrirait la Pologne, l’Allemagne et la France devra suivre trois procédures distinctes et élaborer trois dossiers tout à fait dissemblables. Le coût total des certifications n’atteindra peut-être pas 30 % du prix de revient industriel, mais la combinaison des délais et les vérifications diverses demandées par chacun des trois États membres accroissent fatalement le prix de vente. Il est donc extrêmement souhaitable que l’Agence ferroviaire européenne délivre la certification unique permettant d’utiliser le matériel concerné dans chaque État membre.

L’unification de la signalisation est le deuxième aspect du pilier technique. L’enjeu est la généralisation du dispositif paneuropéen de signalisation, couramment dénommé ERTMS. L’Europe comporte aujourd’hui plus de vingt systèmes différents de signalisation et de contrôle de vitesse des trains. Chaque système impose que les cabines des locomotives soient équipées en conséquence. Reliant Paris à Bruxelles, le Thalys utilise successivement sept dispositifs embarqués : sept systèmes pour seulement deux États membres ! La généralisation de l’ERTMS sera donc source d’économies pour les opérateurs.

Jusqu’à présent, la libéralisation des transports ferroviaires s’est effectuée dans des conditions provoquant une hausse des prix pour les opérateurs. En conséquence, les clients ne voient pas baisser les prix des trajets. Je profite donc de ce débat, monsieur le secrétaire d'État, pour demander que la France obtienne jeudi du conseil « transports » qu’il adopte sans plus tarder le pilier technique du quatrième « paquet ferroviaire ».

Ainsi, les délais légitimement exigés par l’organisation d’une concurrence loyale ne retarderont pas l’entrée en vigueur des dispositions prétendument techniques. Il s’agit, en réalité, des préalables à la libéralisation réussie que je ne suis pas seul à appeler de mes vœux.

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