Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les orateurs précédents l’ont tous souligné, notre industrie ferroviaire, qui occupe le troisième rang mondial, est l’un de nos fleurons. Cette filière intégrée est cependant en proie à de vives incertitudes, assorties parfois de menaces directes quant à la pérennité de certains sites : je pense à celui de Belfort et, bien sûr, au cluster du Nord.
Les difficultés du secteur ne datent pas d’hier, mais la conjonction de circonstances nouvelles – l’ouverture à la concurrence intérieure en 2019, la concurrence intermodale et la désaffection du public pour certains modes de déplacement jugés peu confortables ou peu fiables – réclame une attention soutenue de notre part.
La filière ferroviaire a besoin aujourd’hui d’un choc d’investissement multisectoriel : pour le TGV, bien évidemment, dans les régions et pour le fret. L’enjeu est d’assurer une visibilité et une cohérence à moyen terme à l’ensemble des acteurs de la filière.
À ce titre, monsieur le secrétaire d'État, un haut niveau de commandes publiques est nécessaire. Le ministre de l’économie, en déplacement il y a quelques jours sur le site d’Alstom de Belfort, a fort justement souligné que « nous avons une responsabilité car vous dépendez des commandes publiques ».
Première étape : le TGV. Voilà quelques jours, Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, a annoncé qu’un appel d’offres pour le TGV du futur serait lancé à la fin du mois de juin. J’en suis très heureux, car la survie du site de Belfort en dépendait. Tous les acteurs de la filière se réjouissent de cette bouffée d’oxygène, d’une importance majeure. Bien sûr, cela ne suffira pas, mais une telle mesure a cependant le mérite d’être concrète.
Deuxième étape, et non la moindre : la remise du rapport Duron-Filleul réactive des perspectives d’investissement pour les TER. Il était temps ! Le maintien de l’attractivité des structures ferroviaires de l’ensemble du territoire exige la mise en œuvre d’un plan d’investissements qui permettra tout à la fois d’étaler la dépense publique, d’en répartir la charge sur les acteurs présents et futurs, tout en donnant des perspectives. Je crois nécessaire que le comité stratégique de filière puisse se réunir pour débattre de ce thème.
Les besoins sont là. Le rapport de la Cour des comptes de février 2015 pointait un sous-investissement ancien, structurel, dans le réseau régional. Le rapport Duron-Filleul, qui fera l’objet d’un débat ce soir et dont je tiens dès à présent à louer la richesse et la grande rigueur intellectuelle, met très clairement en lumière la qualité extrêmement médiocre du matériel roulant des TER.
En Franche-Comté, la mise en service de rames nouvelles a entraîné une augmentation immédiate de 20 % à 40 % de la fréquentation des lignes. Il convient donc que l’État joue pleinement son rôle pour engager et coordonner une stratégie industrielle offensive dans les territoires.
Les contrats-cadres TER de 2010 prévoyaient un millier de commandes. Je suis un parlementaire chanceux, car un premier train Régiolis arrivera bientôt en Franche-Comté. C’est une merveille technologique. Nous sommes peu nombreux dans ce cas : 218 rames seulement ont été effectivement commandées sur les 1 000 prévues en 2010. Il me paraît urgent d’honorer ces commandes et, pour ce faire, de ne pas repasser une nouvelle fois par des procédures d’appel d’offres trop longues, ce qui serait mortifère. Le savoir-faire est là, des livraisons rapides sont possibles.
Le rapport Duron-Filleul suggère par ailleurs des modifications institutionnelles pour que l’État prenne toute sa place en tant qu’autorité organisatrice des transports. Il propose que des délégations de service public exigeantes permettent d’assurer le niveau d’investissement nécessaire à la filière, y compris dans un environnement concurrentiel.
En tant que rapporteur de la mission commune d’information sur la commande publique, je suis évidemment favorable à ce que l’État mette en place des délégations de service public nouvelles plus précises, plus efficaces, à condition qu’elles prennent réellement en compte des stratégies industrielles et commerciales, au service de l’ensemble de la filière, sous-traitants et start-ups compris, en appui à des stratégies territoriales, à condition surtout que les investissements nécessaires soient bien planifiés et financés sur le long terme par tous les acteurs.
Je terminerai en évoquant le fret, qui est le parent pauvre de la filière.
Les chiffres sont éloquents : le fret ferroviaire a baissé de 31 % de 2003 à 2013. Parallèlement, le fret ferroviaire diminuait de 6, 4 % en Italie, mais il augmentait de 15 % au Royaume-Uni et de 40 % en Allemagne. Autrement dit, quand la volonté politique d’investir dans les infrastructures existe, les succès suivent.
Nous avons une responsabilité particulière, puisque la France accueillera la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques à Paris dans quelques semaines. Au-delà des déclarations, il faut des actes. En agissant pour le report modal au profit du fret ferroviaire, nous agissons à la fois pour l’environnement, pour le développement d’une filière industrielle, pour l’emploi et pour une croissance durable.