Intervention de Nicole Duranton

Réunion du 9 juin 2015 à 14h30
Débat sur le thème : « l'avenir de l'industrie ferroviaire »

Photo de Nicole DurantonNicole Duranton :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, dans une société toujours plus soucieuse de son empreinte écologique, la mobilité est au cœur des réflexions visant à la réduction de cette dernière et à la mise en place de modes de vie plus respectueux de l’environnement. C’est pourquoi je salue l’initiative de la commission du développement durable, et notamment de mon collègue du département de l’Eure, Hervé Maurey, qui, je le sais, élèvera et valorisera de la meilleure des façons notre débat d’aujourd’hui.

À l’international, le temps est au beau fixe pour l’industrie ferroviaire française : son chiffre d’affaires à l’export a augmenté de 60 % à 75 % en 2014, selon les métiers. Sur le plan national, les chiffres ne sont pas si optimistes et il y a de quoi être inquiets.

Les responsables de l’industrie ferroviaire française ont tiré la sonnette d’alarme lors de leur comité stratégique, à la fin de l’année 2014. Ils ont en effet averti l’État que les plans de charge actuels, faute de nouvelles commandes, pourraient aboutir à la suppression de 10 000 emplois d’ici à 2018, sur les 30 000 que compte le secteur. Il est urgent non pas de ne rien faire, monsieur le secrétaire d’État, mais d’agir ! En l’absence d’action rapide et efficace, les craintes des responsables de l’industrie ferroviaire française ne vont pas aider à obtenir l’inversion de la courbe du chômage, véritable arlésienne gouvernementale !

Il est vrai que nous pourrions nous contenter de saluer le savoir-faire unique de l’industrie ferroviaire française et son succès à l’export, qui est une réalité, mais l’angélisme fait rarement avancer. M. Rebsamen avait osé indiquer, lors d’une séance de questions au Gouvernement à l’Assemblée nationale, que ce chiffre de 10 000 emplois supprimés ne prenait pas en compte les commandes potentielles et que le Gouvernement veillait à ce que des appels d’offre importants soient lancés par la RATP ou la Société du Grand Paris… Autrement dit, c’est le retour de Paris et le désert français. L’angélisme de M. Rebsamen ne nous fait pas avancer ; pis, il nous fait reculer.

Les perspectives d’activité, pour le matériel roulant, sont aussi particulièrement alarmantes. La production de TGV va, selon les responsables de l’industrie ferroviaire française, fléchir à partir de 2017, pour devenir nulle en 2019, ce qui signifie, en réalité, un arrêt de l’activité de l’ingénierie à partir de cette année.

Je profite de ce débat pour interroger M. le secrétaire d’État sur la situation de la « Nouvelle France industrielle » lancée en 2013 par M. Arnaud Montebourg, alors ministre du redressement productif. En effet, l’un des trente-quatre plans avait pour objectif de développer le TGV du futur, projet déclaré « au point mort » par la Fédération des industries ferroviaires. Dans un communiqué commun avec le ministre de l’économie diffusé en mars, deux ans après le lancement de la Nouvelle France industrielle, vous avez précisé que l’ambition est de faire évoluer le modèle de la grande vitesse en l’axant moins sur la performance technique, et davantage sur l’optimisation des coûts. En clair, le nouveau train ne doit plus forcément être une vitrine de la technologie made in France, mais surtout coûter moins cher à produire et à exploiter.

Plusieurs questions me viennent à l’esprit.

D’une part, la consommation d’énergie du nouveau train devra être réduite de moitié. Pour atteindre cet objectif, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, a été priée par l’État d’investir aux côtés d’Alstom Transport pour contribuer à l’effort de recherche-développement. Qu’en est-il de la création de cette co-entreprise ? Les discussions devaient être conclues à la fin du mois d’avril : quelles sont les premières mesures prises ? Quel est le plan d’action ?

D’autre part, la SNCF a annoncé de son côté qu’un appel d’offres européen devrait être lancé d’ici à l’été pour construire un partenariat d’innovation destiné à concevoir ce nouveau train. Le passage par un appel d’offres implique une mise en concurrence qui ne garantit nullement que le marché aille à Alstom. Auriez-vous abandonné votre priorité au made in France ? Le savoir-faire unique de l’industrie ferroviaire française risque de ne pas être valorisé.

Enfin, dans le cas où la proposition du constructeur national et de ses partenaires serait retenue, vous avez indiqué, en mars dernier, que les premières livraisons du TGV du futur interviendraient à l’horizon de 2019. J’imagine que le calendrier initial a été définitivement enterré : il prévoyait effectivement une première mise en circulation en 2018, avec un prototype dès 2017. Encore des mots, des promesses, un engagement qui ne sera pas tenu…

Reste une question de fond que je souhaite aborder : le TGV du futur doit conquérir des marchés à l’export, mais le marché de la très grande vitesse dans le monde a subi un sérieux coup d’arrêt ces dernières années, et il relève autant de critères géopolitiques, eu égard notamment à la concurrence chinoise, que de critères techniques. Le marché national reste, en tout état de cause, primordial.

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