Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je remercie le groupe CRC de l’inscription à l’ordre du jour de ce débat, qui fait suite aux auditions de M. Philippe Duron devant les commissions du développement durable des deux assemblées, et qui permet à chaque groupe parlementaire de s’exprimer en séance sur ce dossier d’importance.
Je tiens à rappeler le contexte dans lequel s’inscrit ce débat.
C’est en 2010 que l’État est devenu autorité organisatrice des trains d’équilibre du territoire. Une convention a alors été signée avec la SNCF pour organiser le service de ces trains.
Aujourd’hui, force est de constater que cette convention n’a pas apporté de réponse satisfaisante et durable. En effet, l’offre est très hétérogène, ce qui rend difficile la définition même des TET – j’observe d’ailleurs que personne parmi vous ne s’est vraiment aventuré à les définir. On y retrouve à la fois aujourd’hui des trains de nuit, des lignes de transport du quotidien – proches cousins des TER –, des lignes à fréquence hebdomadaire, et même une ligne qui est considérée comme TER la semaine et TET le samedi, avec un matériel roulant identique.
Cette hétérogénéité prive cette offre de cohérence, notamment commerciale. La qualité de service, et en particulier la ponctualité, n’est pas, pour être modéré, au niveau attendu par les voyageurs. Le matériel roulant utilisé approche de sa fin de vie et n’offre pas tous les services attendus, ce qui prive les TET d’une image attractive. Le parc, composé en très grande majorité de locomotives et de voitures Corail, a aujourd’hui un âge moyen de trente-cinq ans. Les locomotives thermiques, utilisées sur plusieurs lignes TET comportant des sections non électrifiées, ont, quant à elles, quarante-trois ans en moyenne.
Enfin, le modèle économique des TET est à reconstruire, dans un contexte de contraintes financières pour l’État. Il faut rappeler que l’exploitation des TET représente pour le budget de l’État une dépense annuelle de 800 millions d’euros, en augmentation significative. En 2014, 450 millions d'euros ont été affectés au financement de péages à SNCF Réseau pour l’activité TET, ce qui correspond à la redevance d’accès au réseau, et 330 millions d'euros ont été affectés au financement du déficit d’exploitation de SNCF Mobilités, ce qui inclut la révision et la rénovation du matériel roulant.
Comme cela est rappelé dans le rapport, le déficit d’exploitation de SNCF Mobilités pourrait, si nous ne faisons rien, atteindre 450 millions d'euros en 2016 et 500 millions d'euros en 2025. Je veux bien entendre toutes les positions, mais, franchement, je ne m’attendais pas à ce que certains voient du libéralisme exacerbé dans l’objectif de maîtrise de ce déficit, pour le ramener à 200 ou 300 millions d'euros. On peut être un défenseur du service public et vouloir maîtriser le déficit des finances publiques. (
Je rappelle que nous parlons de 340 trains et 100 000 voyageurs par jour, avec une mission d’aménagement du territoire, sur une activité ferroviaire totale de 13 500 trains et 5 millions de voyageurs – dont 3, 5 millions en Île-de-France – quotidiens. Les TET posent un problème spécifique, que tous les gouvernements ont connu, mais il ne faut pas caricaturer la situation en prétendant qu’il n’y a pas de politique ferroviaire ou qu’il n’y a pas de trains ni de voyageurs.
Notre objectif est de faire évoluer la convention actuelle pour améliorer la qualité du service rendu aux usagers et assurer dans la durée les objectifs de maintien du droit à la mobilité et d’aménagement du territoire dans le contexte budgétaire que j’ai évoqué. J’ai donc décidé, en novembre dernier, de lancer le chantier de la clarification de l’avenir des TET. À cette fin, j’ai demandé à une commission présidée par Philippe Duron et composée de parlementaires de tous les groupes, d’élus régionaux et d’experts, de formuler des propositions sur la base d’un diagnostic complet.
La commission m’a remis ses conclusions le 26 mai dernier. Je tiens à remercier l’ensemble de ses membres, et notamment les trois représentants du Sénat – Annick Billon, Jean-Jacques Filleul et Jean-Vincent Placé – qui ont participé activement à ses travaux. La commission a eu à cœur de disposer de constats précis. Elle s’est déplacée dans plusieurs pays européens pour observer comment nos voisins gèrent cette question. Elle s’est appuyée sur une expertise technique très fine et a réalisé un travail de concertation très important, qui l’a amenée à auditionner de multiples acteurs représentatifs, et même, au-delà, à recueillir 6 000 contributions du grand public. Chacun doit prendre la mesure de la solidité et de la qualité de ce travail.
Le débat est désormais engagé. Je ne suis pas de ceux qui vont chercher la responsabilité de l’un ou l’autre dans le déficit actuel, mais je ne suis pas non plus de ceux qui s’abritent derrière des discours de posture.
J’ai entendu ce soir les différentes positions exprimées. Certains présentent l’ouverture à la concurrence comme une solution aux difficultés commerciales et économiques des TET.