Mon général, c'est toujours un plaisir de vous retrouver. Je vous félicite au nom de la commission pour votre nomination au poste de commandant suprême allié chargé de la transformation au sein de l'OTAN, SACT. Connaissant vos qualités nous savons pouvoir compter sur vous pour poursuivre et amplifier le travail engagé par vos prédécesseurs les généraux Abrial et Paloméros.
Nous avons pu mesurer, lors de notre récent déplacement au centre de commandement de Lyon Mont de Verdun, l'intensité de l'engagement des aviateurs, tant pour la sécurité du territoire national qu'en opérations extérieures, notamment dans la bande sahélienne ou en Irak. Vous nous avez fait l'honneur de nous faire voler vers Lyon en A400M : pourrez-vous nous dire un mot des conséquences pour l'armée de l'air de l'accident récent et des problèmes d'assemblage récemment reconnus par Airbus ? Notre commission attend votre regard sur ce sujet d'importance.
Peut-être nous direz-vous également quelles sont les conséquences de la livraison imminente de plusieurs Rafale à l'Égypte - puisque certains sont prélevés dans la flotte de l'armée de l'air - sur la disponibilité de la flotte de l'armée de l'air et les répercussions pour l'entrainement et les opérations ?
Enfin et surtout, nous inaugurons avec vous ce matin notre cycle d'auditions sur l'actualisation de la loi de programmation militaire (LPM), qui sera examinée demain par l'Assemblée nationale. Quelles seront les modifications à attendre par rapport aux trajectoires que vous aviez fixées pour l'armée de l'air dans la lignée de la LPM de 2013 ? Dans quelle mesure êtes-vous concerné par le renforcement des capacités aériennes - je pense notamment aux avions C 130 qui pourraient être achetés ? Quelle est votre approche du nouveau droit d'association qui sera ouvert aux militaires ? Mon Général, vous avez la parole
Général Denis Mercier, chef d'état-major de l'armée de l'air.- Je commencerai mon propos en évoquant l'accident récemment survenu à l'A400 M dont la presse s'est faite l'écho. Tout avion vole en vertu d'un certificat de navigabilité et celui de l'A400 M concerné, qui effectuait un vol de réception, disposait d'un certificat de navigabilité spécifique impliquant la présence à bord de pilotes d'essais. Or, les appareils qui composent notre flotte et qui volent dans l'armée de l'air ont un certificat de navigabilité distinct. Dès lors, il n'y avait aucune raison de ne pas poursuivre notre utilisation de cet appareil, qui reste l'avion dont l'armée de l'air a besoin et qui nous permet notamment d'acheminer, sur les théâtres d'opérations extérieures, d'importantes quantités de fret. Un sixième appareil vient de nous être livré et il présente une excellente disponibilité, du fait d'un système plus mature que celui des appareils précédents ; la disponibilité des avions qui vont être livrés devrait être du même niveau.
S'agissant de la construction de la LPM, qui, comme la précédente a conduit à la diminution de notre budget global, elle nous permet d'assumer la pleine souveraineté sur l'emploi de nos moyens, et de répondre seuls quand c'est nécessaire aux décisions du Président de la République, c'est-à-dire, par exemple, de garder la pleine maîtrise de nos systèmes de commandement et de conduite, que la plupart des pays ont d'ailleurs souvent délégués. La LPM nous permet également de poursuivre la modernisation de notre dispositif de radars et de surveillance de notre espace aérien. Des efforts ont été consentis, comme l'étalement de la livraison des avions Rafale comprenant quatre années blanches, en prévision des premiers succès à l'exportation tant attendus pour cet appareil. Ces années blanches impliquent l'utilisation accrue des Mirage 2000 pour tenir le format déjà contraint de l'aviation de combat. L'ouverture d'un escadron de Rafale destiné à remplacer celui des Mirage F1 fermé en 2014 devrait intervenir en 2024, soit trois ans après la reprise des livraisons prévue en 2021. Conformément aux décisions du Président de la République, un second escadron Rafale à vocation nucléaire devra être mis en service en 2018 en remplacement des Mirage 2000 N. La livraison des appareils A400 M a également été étalée - 15 ont été prévus par la LPM ; 14 avions C-160 devraient être utilisés jusqu'à 2023. En outre, 14 C130 devront être modernisés afin de tenir compte de la réglementation et des évolutions tactiques. Mais la disponibilité des C160 et C130 nous a conduit à prévoir quatre C130 supplémentaires dans l'actualisation de la LPM, pour assurer l'entraînement des équipages et limiter l'exploitation des C-160 vieillissants dont l'utilisation coûte cher.
L'augmentation du nombre des théâtres d'opérations extérieures est notable depuis l'élaboration de la LPM, qui prévoyait une hauteur de contrats opérationnels désormais largement dépassée. Par ailleurs, faisant suite à la sous-dotation de l'entretien programmé des matériels (EPM) dans la précédente LPM, et malgré l'effort consenti dans celle-ci, nous avons fait le pari de dégager un milliard d'euros à réinvestir sur le maintien en condition opérationnelle (MCO) pour augmenter l'activité. Afin de dégager ce milliard d'euros, des ajustements ont concerné trois postes : le projet « CAP 2016 » de la SIMMAD qui amène une renégociation de tous les contrats sous un angle nouveau, la réforme « supply chain », et la mise en place de la formation différenciée pour les pilotes de chasse. Il nous a par ailleurs été demandé d'assumer le coût des carburants dans ce budget. Par contre, la suractivité en opérations extérieures doit être compensée, ce qui a été prévu dans l'actualisation de la LPM par un effort supplémentaire sur le MCO.
L'armée de l'air apporte son soutien à l'exportation du Rafale. Les deux contrats qui viennent d'être signés ne seront pas les seuls. Je veux insister sur le fait que le succès de cet appareil est dû à la volonté de nombreux États de se doter d'une puissance aérienne. L'armée de l'air participe à la formation des forces aériennes qui investissent sur le Rafale, ce qui vient se rajouter à nos opérations. Mais nous nous sommes organisés pour.
Avec l'Egypte, la formation des personnels est intégrée dans le contrat signé par l'industriel - Dassault Aviation. Elle est assurée par l'armée de l'air qui la facture en quelque sorte à l'industriel. Permettez-moi d'ailleurs de vous confirmer que les pilotes et les mécaniciens égyptiens que nous avons accueillis et qui sont actuellement en formation sont d'un excellent niveau. En outre, les six appareils livrés à l'Égypte ont été prélevés sur les livraisons qui nous étaient destinées pour l'année 2015, ces appareils devant nous être restitués avant 2018. On ne saurait, en aucun cas, réitérer une telle démarche pour les autres exportations du Rafale, sous peine d'hypothéquer l'ensemble de nos efforts visant à préserver notre capacité opérationnelle.
Le Qatar, second pays client du Rafale, souhaite quant à lui doubler sa puissance aérienne dans les prochaines années. Pour répondre à cet enjeu, nous proposons directement aux Qataris, par le biais d'un arrangement technique entre les deux armées de l'air, des formations sur plusieurs années, comme le permet un décret de 2009 encadrant la vente de patrimoine immatériel de l'état. Cet arrangement technique pourrait être signé lors du prochain salon du Bourget et mis en oeuvre dans deux ans. L'offre de formation proposée par l'armée de l'air constituait d'ailleurs un atout pour l'acquisition de cet appareil, le distinguant des propositions commerciales des concurrents de Dassault Aviation.
Pour assurer ce soutien à l'exportation, en globalité, il nous faut dégager 200 instructeurs mécaniciens et pilotes sur du personnel déjà fortement engagé dans les opérations. Ceci a été demandé dans le cadre des non-déflations d'effectifs prévues par l'actualisation de la LPM.
Les autres prospects export doivent tenir compte de la capacité à monter en puissance des chaines de fabrication du Rafale, un processus qui comprend tout un ensemble de sous-traitants autour de la société Dassault. Après l'Egypte, on ne pourra plus, comme je l'ai précédemment souligné, prélever des avions sur nos propres livraisons afin de répondre aux commandes à l'exportation du Rafale.
Dans ce contexte, s'agissant des effectifs et des moyens, il est essentiel que la LPM soit respectée à la lettre. Nous avons, au titre de l'actualisation, demandé que soient intégrés dans la période de programmation les trois derniers avions ravitailleurs (Multi Role Transport Tanker - MRTT) et 25 « pods de désignation » de nouvelle génération supplémentaires, ainsi que l'anticipation à 2016 de l'arrivée du prochain système de drones «Reaper». Il nous faut également répondre à des besoins primordiaux, pour lesquels le personnel doit être préservé : les commandos qui assurent des missions de surveillance des bases situées dans des zones difficiles et dont le nombre doit être augmenté ; le soutien à l'export (SOUTEX) ; des interprétateurs de photographie et des agents employés à la cyber-défense ; et les effectifs correspondant à la non-fermeture d'une base qui avait été proposée aux restructurations - soit, au total, 1 400 hommes, tous postes confondus. Il nous paraît essentiel d'obtenir, au plus tôt, une visibilité sur la cible des effectifs afin de construire le modèle de ressources humaines 2019 et de donner la transparence nécessaire à notre personnel.
La création des associations professionnelles nationales de militaires n'a jamais été demandée par nos personnels qui, d'ailleurs, s'en inquiètent tant ils restent attachés aux structures de concertation existantes. À cet égard, nous ne sommes pas favorables à l'intégration de ces associations dans les conseils de la formation militaire (CFM), au moins à court terme, ni à leur présence au niveau local dans les bases aériennes. Elles ont en revanche vocation à siéger au Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM).
Je vous remercie, mon Général. Je passe maintenant ma parole à mes collègues.