Madame le président, madame le secrétaire d’État, mes chers collègues :
« Le pot de terre en souffre ; il n’eut pas fait cent pas
« Que par son Compagnon il fut mis en éclats,
« Sans qu’il eût lieu de se plaindre.
« Ne nous associons qu’avec que nos égaux ;
« Ou bien il nous faudra craindre
« Le destin d’un de ces Pots. »
Vous aurez bien sûr reconnu les vers de Jean de La Fontaine, ce monument de la littérature française, et sa fable Le pot de terre et le pot de fer.
Or le traité transatlantique qui est en cours de négociation est exactement la même chose que l’offre de la fable, à cette différence près que, dans la fable, le pot de fer ne voulait aucun mal au pot de terre ; on peut douter que ce soit le cas des États-Unis vis-à-vis de l’Europe !
Je ne m’étendrai pas sur les conditions de travail hallucinantes imposées par les États-Unis, qui soulignent dès le départ le profond déséquilibre entre les parties à ce traité, mais qui montrent que nous nous trouvons bien loin de la transparence nécessaire à l’exercice de la démocratie, dont Bruxelles nous rebat les oreilles !
Les négociations concernant ce traité constituent l’illustration la plus parfaite de ce que les Français rejettent dans votre construction européenne, un rejet qu’ils ont – rappelons-le – clairement exprimé notamment lors des dernières élections européennes.
Mais finalement ce projet de traité révèle la vision dogmatique de l’Europe que la caste dirigeante veut imposer aux peuples des nations européennes, à savoir un projet qui gomme les identités nationales pour faire de l’Europe un agglomérat de peuples et faire du Vieux Continent une malheureuse zone économique dans une mondialisation uniforme ! Ce traité en est, en quelque sorte, l’effet majeur, c’est-à-dire l’action qui permettra que l’objectif soit atteint, ou pas !
Nous en sommes absolument persuadés, ce traité va assurer la domination des États-Unis sur l’Europe, la domination des entreprises américaines sur les entreprises françaises et européennes et la domination des juridictions d’arbitrage sur les juridictions françaises et européennes – comme le diraient certains jeunes, « spéciale dédicace » à M. Tapie et à Mme Lagarde ! En clair, il s’agit d’une soumission totale à l’Oncle Sam et à ses multinationales !
En effet, une disposition du traité prévoit que si un État modifie dans l’avenir ses normes, il pourra être attaqué par les multinationales devant un tribunal privé, et si l’État est condamné, il devra rembourser la perte d’opportunités et la perte de profits actuels ou futurs. Ces normes peuvent être sociales, techniques, environnementales, sanitaires, alimentaires...
Ce traité, c’est en définitive le tressage de la corde que nous utiliserons pour nous pendre ; Vladimir Ilitch nous l’avait prédit ! Arrêtons de nous voiler la face, ce traité est une nouvelle application du sacro-saint dogme de la libre-concurrence !
Or la loi du plus fort s’impose toujours en matière de commerce ! Nos entreprises, en particulier nos PME et nos ETI – entreprises de taille intermédiaire –, notre agriculture, notre santé, notre culture, déjà fragilisées par l’absence de protection de leurs activités, vont être livrées à une concurrence féroce. Concurrence de surcroît déloyale, car les États-Unis n’abandonneront jamais, quant à eux, leur politique protectionniste et patriotique pour les beaux yeux de l’Union européenne, et encore moins pour les vôtres ! En outre, bon nombre de spécialistes prédisent que le traité transatlantique n’apportera ni croissance ni création d’emplois, contrairement à ce que nous avons entendu précédemment !
Pour notre part, nous croyons à un autre modèle de développement que celui de la mondialisation soumise à la finance et du nivellement par le bas des modèles sociaux qu’elle entraîne ! Or ce traité c’est finalement la mise en application du principe cher à don Salluste : « Les pauvres c’est fait pour être très pauvres et les riches très riches ! »