Intervention de Jean-Paul Emorine

Réunion du 10 juin 2015 à 14h30
Débat sur le thème : « l'avancée des négociations du traité transatlantique »

Photo de Jean-Paul EmorineJean-Paul Emorine :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, il est bien évident pour chacun d’entre nous que toute négociation commerciale comporte autant d’opportunités que de risques. Cette vérité s’applique de manière spéciale aux négociations touchant à notre secteur agricole et agroalimentaire, qui dispose d’atouts indéniables à faire valoir sur les marchés mondiaux, liés à la qualité, à la grande réputation et à la diversification des produits français.

De fait, certaines de nos filières sont clairement à l’offensive dans cette négociation, qui leur offre de réelles perspectives de développement. D’autres, cependant, bien que reconnues pour l’excellence de leur production, sont structurellement beaucoup plus vulnérables à la libération des échanges avec les États-Unis. Je pense tout particulièrement à la filière bovine française : premier producteur agricole d’Europe, notre pays est notamment le premier producteur européen de viande bovine ; il est donc inévitablement celui qui subira le plus durement les conséquences de cet accord, alors même que les évolutions récentes de la politique commerciale européenne ont déjà contribué à fragiliser la filière bovine française et européenne.

En 2012, l’Europe, les États-Unis et le Canada ont trouvé un accord sur la question du bœuf aux hormones, qui prévoit l’importation à droits nuls de près de 50 000 tonnes de viande bovine nord-américaine sans hormones. Aux termes du traité récemment conclu avec le Canada, qui doit encore être soumis à ratification, 65 000 tonnes supplémentaires de viande bovine canadienne pourront entrer sur le marché européen sans droits de douane. Aujourd’hui, les États-Unis pourraient prendre cet accord pour base de négociation en exigeant un contingent équivalent en proportion de leur production et de leurs capacités exportatrices, très largement supérieures à celles du Canada ; ainsi, 250 000 à 300 000 tonnes supplémentaires pourraient être importées chaque année sans protection tarifaire. De telles quantités conduiraient inévitablement à une déstabilisation profonde de la filière bovine française, principalement en raison des normes de production appliquées outre-Atlantique.

S’il est absolument clair que nous ne transigerons pas plus demain qu’hier sur la question du bœuf aux hormones, ni d’ailleurs sur celles du poulet chloré et d’autres préférences collectives en matière sanitaire, des différentiels de compétitivité fondamentaux n’en demeureront pas moins entre les élevages américain et français. Je pense en particulier aux parcs d’engraissement géants américains, dans lesquels des milliers, voire des dizaines de milliers d’animaux, d’ailleurs de plus en plus souvent importés, sont nourris au soja ou au maïs transgénique, mais sans herbe ; les farines animales, les antibiotiques et, bien sûr, les hormones de croissance font également partie de leur ration alimentaire quotidienne, et les normes que nous imposons à nos éleveurs en matière environnementale, de bien-être animal et de traçabilité n’y ont évidemment pas cours.

Par ailleurs, il faut mesurer que la superficie agricole américaine s’élève à 372 millions d’hectares, quand celle de l’Union européenne est de 140 millions d’hectares, et la superficie agricole française de 28 millions d’hectares, mais nous avons la chance d’avoir 40 % de cette superficie en herbe.

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