Intervention de Axelle Lemaire

Réunion du 10 juin 2015 à 14h30
Débat sur le thème : « l'avancée des négociations du traité transatlantique »

Axelle Lemaire, secrétaire d'État :

Au-delà du coût financier induit pour ces États, la symbolique est forte : ce sont des intérêts privés qui l’emportent sur l’intérêt général poursuivi par des gouvernements et des parlements démocratiques. La consultation publique qu’a menée la Commission l’a montré : le mécanisme tel qu’il existe aujourd’hui n’est pas acceptable. Il faut donc inventer quelque chose de nouveau.

Face à ces dérives, la France, par l’intermédiaire de Matthias Fekl, a mené des consultations avec plusieurs ministres européens. Des lignes directrices ont été identifiées en février, notamment concernant la préservation du droit à réguler des États, l’éthique applicable aux arbitres, la transparence et l’instauration d’une possibilité d’appel.

La Commission, quant à elle, a présenté au début du mois de mai plusieurs propositions, qui témoignent de la prise de conscience de l’importance des enjeux. Le 2 juin, donc tout récemment, la France a officiellement adressé à la Commission européenne ses propositions relatives au mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États. L’objectif est simple : restaurer la puissance publique dans ses droits et bâtir un système plus favorable aux États qu’auparavant.

À ce stade, la Commission a affirmé avoir accueilli avec intérêt les positions françaises et indiqué qu’elle allait travailler sur ce sujet. Néanmoins, monsieur Collin, c’est un travail de longue haleine, de conviction, qui doit permettre d’aider les entreprises européennes susceptibles de se trouver en situation de contentieux avec l’État américain. Nous avons commencé à construire une coalition, notamment avec les Allemands. Ce travail doit continuer, mais je peux déjà vous dire que le vent tourne.

Les propositions françaises visent à mettre fin au « flou » qui entoure les concepts juridiques des instances de règlement des différends. Ainsi, un changement législatif ne doit pas être un motif suffisant pour attaquer un État, en se fondant par exemple sur les attentes légitimes des investisseurs ou la notion d’expropriation indirecte. Cette clarification juridique urgente garantit la capacité des États à mettre en œuvre souverainement des politiques publiques légitimes sans risquer que celles-ci soient attaquées. Il s’agit aussi de redonner aux seuls États la capacité d’interpréter les clauses du traité lorsqu’une incertitude se fait jour. Les États doivent également pouvoir restructurer et rééchelonner les dettes publiques sans risque de devoir se justifier devant un tribunal – on en connaît l’importance depuis la crise financière de 2008.

L’innovation est également institutionnelle puisque, pour la première fois, est clairement fixée l’ambition de créer une cour permanente intervenant dans le cadre des futurs traités de l’Union européenne. C’est également le souhait de certains d’entre vous, notamment MM. Daniel Raoul et Yvon Collin.

Publique, cette cour aura en charge la gestion des professionnels qui se prononcent en premier ressort en cas de différends entre État et investisseur. Elle sera garante du respect d’un code de déontologie des arbitres inséré dans le texte des traités. Celui-ci prévoira une période de quarantaine stricte qui devra empêcher la survenance de tout conflit d’intérêts.

Permanente, cette cour interviendra pour tous les litiges nés de l’application des futurs traités de l’Union européenne. En réexaminant l’ensemble des décisions en premier ressort, elle contribuera à la définition d’une jurisprudence structurée, prévisible, indispensable à la légitimité du système.

Respectueuse du droit international, cette cour constituera l’ossature d’une future cour permanente multilatérale par son application progressive à d’autres traités. La France est ainsi fidèle à ses traditions, à ses convictions, à son histoire et à sa diplomatie favorable au multilatéralisme.

Mesdames, messieurs les sénateurs, les négociations relatives au partenariat transatlantique sont l’occasion d’exprimer clairement notre vision du commerce international : un commerce fondé sur des règles, qui respecte les peuples et les États. Le Gouvernement est engagé dans cette voie. Pour cela, il a besoin de votre confiance pour promouvoir avec audace les intérêts des entreprises françaises et européennes.

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