Intervention de Najat Vallaud-Belkacem

Réunion du 10 juin 2015 à 14h30
Université des antilles et de la guyane — Adoption en nouvelle lecture d'un projet de loi dans le texte de la commission

Najat Vallaud-Belkacem :

Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la nouvelle lecture du projet de loi ratifiant l’ordonnance du 17 juillet 2014 qui nous réunit ce jour constitue l’aboutissement d’un long cheminement, engagé en 2013, qui conduit aujourd’hui à la création de l’université des Antilles.

L’instauration d’une nouvelle université est toujours un acte solennel et un moment fort, car c’est indéniablement dans l’enseignement supérieur que se joue l’avenir de notre pays. Dans une société de la connaissance, comme l’est la société française, le développement de l’enseignement supérieur est le facteur essentiel de notre compétitivité de demain. Pour ce qui concerne les individus, c’est aussi une condition de la mobilité sociale et de l’épanouissement de chacun. C’est pourquoi l’objectif du Gouvernement est d’élever progressivement la proportion d’une classe d’âge diplômée de l’enseignement supérieur pour atteindre 50 % au niveau licence.

Cela étant, le développement des territoires est étroitement lié à celui de l’enseignement supérieur. C’est particulièrement vrai dans les Antilles, où les enjeux de développement passent nécessairement par l’élévation du niveau des qualifications des jeunes. Pour cela, la Martinique et la Guadeloupe ont besoin d’une université à la hauteur des ambitions que nous avons collectivement pour ces territoires, une université qui fonctionne en s’adaptant aux spécificités et aux besoins locaux.

L’histoire universitaire de la Martinique et de la Guadeloupe est déjà ancienne, et s’enracine dans une tradition de valorisation du savoir. Les premières formations de niveau supérieur apparaissent aux Antilles à la fin du XIXe siècle. D’abord consacrées aux disciplines juridiques, ces formations s’enrichissent tout au long du XXe siècle, avec des enseignements nouveaux.

À partir des années soixante-dix, cette histoire universitaire se confond avec celle de la Guyane, une université des Antilles et de la Guyane ayant été créée en 1982. Au terme de difficultés, sur lesquelles il n’est pas nécessaire de revenir longuement, une université de plein exercice a été instituée en Guyane. Ce nouvel établissement fonctionne depuis le 1er janvier dernier. Cette évolution a rendu indispensable l’adaptation des structures de l’ancienne université des Antilles et de la Guyane, pour créer la nouvelle « université des Antilles ».

Mais l’ambition du texte qui porte le statut de cette nouvelle université va bien au-delà d’un simple changement de périmètre. En effet, le Gouvernement a souhaité, avec la participation active de la communauté universitaire et des élus locaux, que le cadre juridique qui s’appliquera à ce nouvel établissement soit aussi adapté que possible aux spécificités locales.

Toutes ces dispositions ont été prévues, à l’origine, dans le cadre d’une ordonnance signée le 17 juillet 2014 par le Président de la République, un tel texte étant inscrit dans la loi relative à l’enseignement supérieur et à la recherche du 22 juillet 2013. L’ordonnance a réaffirmé l’unité de l’université des Antilles, tout en conférant aux pôles de celle-ci la très large autonomie que justifie la diversité de ses territoires.

Je souhaite rappeler que l’université des Antilles est, à ce jour, la seule université de notre pays implantée dans deux régions. Cela justifie des mesures particulières en termes d’organisation et de fonctionnement de sa gouvernance. Afin d’être le plus proche possible des besoins locaux, le Gouvernement a souhaité s’appuyer pour la rédaction de l’ordonnance sur une très large concertation avec les acteurs concernés : la communauté universitaire, bien sûr, mais aussi les collectivités locales, qui apportent depuis plusieurs décennies un soutien massif et continu au développement de l’université. Le texte de l’ordonnance a ainsi résulté – il est important de le souligner – d’un accord politique autour de quelques grands principes d’organisation de l’université des Antilles.

Comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, cet accord a recueilli les avis positifs des comités techniques de l’université des Antilles et de la Guyane, l’UAG, au mois de juin 2014 ; il a ensuite été conforté par le soutien apporté par les collectivités. Enfin, une déclaration a été cosignée par les présidents des exécutifs régionaux et départementaux de la Martinique et de la Guadeloupe le 7 juillet 2014 : MM. Letchimy et Lurel, respectivement présidents des conseils régionaux de la Martinique et de la Guadeloupe, ainsi que Mme Manin et M. Gillot, présidents des conseils généraux.

Cette déclaration, faite en pleine concertation avec le Gouvernement, a permis de reprendre et de développer les principes qui sous-tendent l’accord politique à la base de l’ordonnance, principes sur lesquels il est nécessaire de revenir aujourd'hui, même si ces sujets ont déjà été évoqués en première lecture : la parité de représentation des pôles martiniquais et guadeloupéen au sein des instances dirigeantes de l’université ; l’élection du président de l’université pour un mandat non renouvelable de cinq ans, afin d’aboutir à une alternance régulière de la présidence entre les représentants des deux pôles de l’université ; l’élection des vice-présidents de l’université par les conseils de pôle, afin de garantir l’autonomie des deux pôles dans le cadre d’une université dont l’organisation peut être décrite comme fédérale.

Le débat parlementaire en première lecture au Sénat a permis d’enrichir et de compléter le texte initial de l’ordonnance qui, pour des raisons de calendrier, n’avait pu intégrer certaines dispositions nécessaires pour parachever le statut de l’université. Ainsi, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez notamment complété ce texte pour prendre acte du changement de dénomination de l’université, l’ancienne université des Antilles et de la Guyane devenant officiellement « université des Antilles ». Par ailleurs, vous avez modifié la composition du conseil d’administration pour tenir compte du retrait des membres guyanais.

Au cours des débats, vous avez également souhaité revenir sur les conditions d’élection des présidents de pôle initialement souhaitées par le Gouvernement et les élus des collectivités concernées. Alors que le texte gouvernemental prévoyait que les présidents de pôle sont élus par les conseils de pôle, comme je l’ai indiqué précédemment, vous avez préféré que le président de l’université et ses vice-présidents soient élus simultanément dans le cadre d’un même « ticket ». Ce dispositif traduisait votre souci de préserver l’unité de l’université des Antilles.

Ces dispositions nouvelles n’ont pas été confirmées par l’Assemblée nationale. La commission mixte paritaire réunie pour surmonter le désaccord entre les deux chambres sur ce point ayant échoué, nous examinons aujourd’hui en nouvelle lecture le texte que l’Assemblée nationale a déjà adopté dans les mêmes termes qu’en première lecture.

Comme le Gouvernement, les députés ont en effet de nouveau considéré que le meilleur moyen de conforter l’unité de l’université des Antilles était de s’assurer que le texte voté reste le plus proche possible de celui qui avait fait l’objet d’un plein accord des acteurs locaux. Ils ont donc approuvé les dispositions prévoyant l’élection de chacun des vice-présidents par les conseils de pôle.

La commission de la culture, de la communication et de l’éducation du Sénat a souhaité revenir une nouvelle fois sur ce point. Elle a donc modifié les conditions d’élection des présidents de pôle et réinséré le ticket présidentiel.

Je souhaite exprimer très clairement l’opposition du Gouvernement à cette modification apportée par votre assemblée à une disposition importante de l’ordonnance. C’est pourquoi je présenterai lors de l’examen de l’article du projet de loi restant en discussion un amendement dont l’objet est de revenir au texte initial de l’ordonnance.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ce texte permettra de poser des bases solides pour l’organisation de l’université. Dès son adoption, il donnera à l’université les moyens d’assurer le fonctionnement régulier de ses différentes instances, et de garantir aux étudiants ainsi qu’à leurs parents la sérénité et la stabilité qu’ils sont en droit d’attendre.

Vous êtes tous convaincus, j’en suis certaine, qu’une université est le meilleur investissement pour l’avenir des territoires et de leur jeunesse. Lors de son récent voyage aux Antilles, le Président de la République a rappelé l’importance que l’État attache au développement de l’université en annonçant la création de deux instituts universitaires de technologie, ou IUT, l’un en Martinique et l’autre en Guadeloupe. Je ne doute pas que le texte que vous adopterez permettra de doter les Antilles d’une université à la hauteur des ambitions que nous avons pour ce territoire.

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