Intervention de Jacques Grosperrin

Réunion du 10 juin 2015 à 14h30
Université des antilles et de la guyane — Adoption en nouvelle lecture d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Jacques GrosperrinJacques Grosperrin :

Que de temps perdu ! Au mois de janvier dernier, le Sénat adoptait, dans la rédaction issue des travaux de la commission, le présent projet de loi, ce dans une belle unanimité – à l’exception du groupe CRC, qui s’était abstenu pour des raisons de principe. Majorité et opposition, nous avions travaillé, mes chers collègues, dans un esprit de responsabilité partagée, dans l’intérêt supérieur de l’université des Antilles, de ses étudiants, de ses enseignants-chercheurs et des territoires de la Guadeloupe et de la Martinique !

Entre autres améliorations au texte déposé par le Gouvernement, le Sénat avait adopté la proposition de la commission d’instaurer un ticket de trois candidats pour la désignation par le conseil d’administration du président de l’université et des deux vice-présidents de pôle. Il s’agissait ni plus ni moins de traduire dans la loi la proposition n° 11 figurant dans le rapport d’information de Dominique Gillot et Michel Magras de 2014. Permettez-moi de saisir cette occasion pour saluer la pertinence du travail et le courage de nos collègues. Cette disposition nous avait semblé indispensable pour garantir la cohérence stratégique et, à terme, l’unité de l’établissement. Je rends également hommage à Serge Larcher, qui était à l’époque président de la délégation sénatoriale à l’outre-mer.

Dans cette nouvelle configuration de l’université des Antilles, dotée de deux pôles aux compétences désormais considérables, si nous ne garantissons pas, par un dispositif institutionnel, la confiance et la cohérence entre la présidence et les deux vice-présidences, le nouvel établissement risque fort de faire les frais des forces territoriales centrifuges qui ont déjà eu raison du pôle guyanais de feu l’université des Antilles et de la Guyane…

Voulons-nous aboutir à la scission de l’université des Antilles en deux universités, celle de la Guadeloupe d’un côté et celle de la Martinique de l’autre, alors que nous savons tous pertinemment qu’aucune de ces deux universités n’aurait la masse critique suffisante pour peser dans le paysage universitaire français et, a fortiori, international ? Je rappelle, pour mémoire, que l’université de la Guyane représente 2 000 étudiants, l’université de la Guadeloupe moins de 6 000, tout comme celle de la Martinique.

À terme, ce serait l’amplification des difficultés de ces établissements : départ des bacheliers ultramarins vers les universités métropolitaines ou canadiennes ; faible attractivité pour les enseignants-chercheurs ; restriction drastique des conventionnements possibles avec d’autres partenaires… Ce cercle vicieux aboutirait à priver nos territoires d’outre-mer de l’outil d’enseignement supérieur et de recherche dont ils ont tant besoin pourtant !

Voilà pourquoi, éclairées par les propositions de Mme Gillot et de M. Magras, la commission de la culture du Sénat puis la Haute Assemblée tout entière avaient adopté ce dispositif original et stabilisateur du ticket.

À l’Assemblée nationale, la discussion semblait à son tour bien engagée : la commission des affaires culturelles et de l’éducation proposait de voter conformes quatre des cinq articles examinés et avalisait le dispositif du ticket proposé par le Sénat, considérant même qu’il s’agissait là de « l’un des éléments les plus prometteurs pour assurer la continuité d’une université puissante et ambitieuse. »

Victoire ? Non, car c’était sans compter sur les manœuvres de quelques députés qui, soutenus par le Gouvernement et agitant un « accord politique » datant du mois de juillet 2014, ont fait échec à l’adoption de ce dispositif innovant.

L’Assemblée nationale a donc déjugé sa commission et rétabli un dispositif dans lequel les vice-présidents de pôle ne sont aucunement liés au président de l’université. Mon malheureux collègue rapporteur, qui avait osé soutenir la proposition du Sénat, M. Christophe Premat, a démissionné et a été remplacé pour la suite de l’examen de ce texte par un collègue plus « accommodant », M. Yves Durand.

À l’heure où le paysage universitaire national se réorganise dans le sens de regroupements cohérents autour de projets partagés dans l’intérêt du développement des territoires, comment comprendre que l’on prenne le risque d’une université des Antilles qui s’éteigne en l’espace de quelques années et qui accouche, en définitive, de deux micro-universités, aux micro-moyens et aux micro-ambitions ?

La suite, vous la connaissez : une commission mixte paritaire qui échoue sur la question de ce ticket en raison des pressions exercées par nos collègues députés, alors même que, autour de la table, nous aurions été vraisemblablement suffisamment nombreux pour faire adopter ce dispositif ; un texte qui revient en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale où, cette fois-ci, la commission des affaires culturelles et de l’éducation se réjouit que la « formule dangereuse du ticket » ait été supprimée !

Nous voilà donc, cinq mois après notre premier examen, au point mort. Que de temps perdu !

L’université des Antilles attend pourtant avec impatience que le Parlement se décide enfin. L’incertitude dans laquelle elle est plongée depuis plusieurs mois est très dommageable à son bon fonctionnement et à son rayonnement auprès des étudiants et des enseignants-chercheurs. Certains d’entre vous, mes chers collègues, suggéreront peut-être de voter le texte issu de l’Assemblée nationale conforme, de façon à accélérer la promulgation de cette loi tant attendue. Mais pourquoi le Gouvernement a-t-il laissé passer deux mois entre la commission mixte paritaire et la nouvelle lecture à l’Assemblée nationale ? Même si nous avions le malheur de ne pas voter ce texte conforme aujourd’hui, l’Assemblée nationale prononcera son « dernier mot » dans six jours.

Alors, mes collègues, ne nous déjugeons pas ! Nous avons des convictions fortes ; nous sommes engagés pour assurer l’avenir de cette université : rétablissons le texte adopté par le Sénat en première lecture ! C’est ce que vous propose la commission, pour une université des Antilles solide, cohérente et pleinement opérationnelle, dans l’intérêt de la communauté étudiante, universitaire et scientifique.

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