Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui, pour la seconde fois, un projet de loi qui engage l’avenir de l’université des Antilles fragilisée par la scission de l’université de la Guyane.
La mission d’information commune à la commission de la culture et à la délégation à l’outre-mer, menée par Mme Gillot et moi-même dès le lendemain des événements guyanais, a dressé un point exhaustif de la situation et défini les principes nécessaires pour un renouveau universitaire aux Antilles et en Guyane. Nous les avons regroupés en trois thèmes, les « trois clés », selon l’intitulé de notre rapport.
La première clé est la territorialité, par une meilleure valorisation des potentiels propres à chacun des départements, ce qui a manifestement manqué à la Guyane dans le cas de l’université des Antilles et de la Guyane. La séparation de la Guyane à l’égard de l’UAG n’a pas manqué d’attiser les tensions centrifuges entre les deux pôles guadeloupéen et martiniquais, exacerbant parfois une compétition ou des rivalités ancrées dans l’histoire.
Il nous a donc semblé indispensable de renforcer l’unité de l’université des Antilles par le biais d’une stratégie universitaire délibérée au niveau du conseil d’administration, mais également par chacun des pôles qui en assumeront toute la responsabilité de mise en œuvre. La parité de représentation des deux pôles régionaux dans les instances de l’université reconnue dans ce projet de loi est la traduction de cet engagement.
La deuxième clé est l’attractivité. L’université des Antilles a des atouts nombreux, évidents, incontestables, mais elle ne pourra en tirer pleinement partie que si elle normalise ses procédures comptables et sa gestion. Elle doit ensuite apprendre à mieux mutualiser ses moyens pour atteindre une visibilité internationale. Nous nous devons d’être vigilants sur ce point.
La troisième clé, enfin, est la solidarité. À l’heure où se développent les regroupements universitaires, ce quels que soient les gouvernements en place, dans un contexte de forte compétition internationale, il doit exister une réelle coopération non seulement entre les deux pôles, mais également hors du territoire spécifique des Antilles, avec les universités métropolitaines ou celles des zones Caraïbe ou sud-américaine, afin d’atteindre une lisibilité internationale. Le renforcement du pilotage de l’université des Antilles doit contribuer à cette stratégie.
Voilà, pour l’essentiel, l’esprit de notre rapport d’information, qui a constitué pour la commission de la culture une base de travail pour étudier le présent projet de loi, comme vient de le souligner M. le rapporteur, Jacques Grosperrin.
J’insiste sur l’autonomie des pôles régionaux constituant l’université qui vont recevoir une large capacité d’organisation administrative et pédagogique. À cet égard, l’ordonnance signée par le Président de la République prévoyait l’élection des présidents de chacun des pôles, qui sont aussi vice-présidents de l’université, par le conseil de pôle. Nous sommes là au cœur de la question étudiée aujourd’hui.
La commission a repris une proposition de notre rapport prévoyant la désignation du président de l’université et des deux vice-présidents de pôle par un seul et même vote du conseil d’administration de l’université, sous la forme d’un ticket de trois candidats, afin que les pôles universitaires régionaux exercent pleinement leur autonomie, dans le respect du projet global de l’université. Il s’agit d’assurer une confiance mutuelle et une cohérence stratégique, qui ont manqué jusqu’à présent.
Il appartiendra aux vice-présidents de démontrer en permanence la cohérence de leurs stratégies de développement de pôle avec le projet global d’établissement porté par le président. Ce mode de gouvernance est un véritable rempart contre d’éventuelles rivalités.
Aussi, je ressens une certaine amertume face au dispositif retenu par les députés, qui ont refusé cette solution équilibrée, pourtant adoptée à l’unanimité par la commission du Sénat.
Le « ticket à trois » permettait de conforter l’existence d’une université des Antilles dans le respect de l’autonomie de ses deux pôles, d’avoir une vraie force d’impulsion et de coordination à son sommet. Je suis persuadé que le retour à une logique d’élections séparées conduira inévitablement aux mêmes inerties et aux mêmes rivalités que par le passé. C’est un mauvais coup porté à l’université des Antilles. Il est de mon devoir, en ma qualité de corapporteur, d’insister sur ce point. Je me joins donc au rapporteur pour regretter ce revirement tardif des députés et du Gouvernement.
Je rappelle les dysfonctionnements que nous avons constatés à l’UAG du fait d’une mauvaise gouvernance. En 2008, la création de pôles qui devait faire progresser le dialogue en termes de gestion et permettre de rééquilibrer les moyens n’a guère permis d’améliorer le processus décisionnel.
Les conseils consultatifs de pôle, sans attributions précises et affaiblis par l’absentéisme de leurs membres, n’ont pas su s’imposer. Ils ont bénéficié d’une totale latitude pour choisir le vice-président de leur pôle, alors même que l’ordonnance confiait cette responsabilité au président, après leur simple consultation. De son côté, la présidence de l’université, malmenée par les rivalités et échouant à donner une réelle autonomie aux vice-présidents, n’a pas pu pleinement jouer le jeu de cette gouvernance déconcentrée.
J’ai bien entendu, madame la ministre, que le texte final tenait compte de la volonté politique des élus. En ma qualité d’élu justement, je ne puis que prendre acte des décisions de mes collègues. Toutefois, l’université des Antilles est aujourd'hui à la croisée des chemins. Une erreur concernant sa gouvernance risquerait de la plonger dans l’immobilisme et les querelles.
Aussi, le vote du groupe Les Républicains est-il un appel que nous vous lançons, ainsi qu’aux députés. J’espère infiniment que nous serons entendus.