Intervention de Françoise Laborde

Réunion du 10 juin 2015 à 14h30
Université des antilles et de la guyane — Adoption en nouvelle lecture d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Françoise LabordeFrançoise Laborde :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’histoire de l’université des Antilles et de la Guyane n’a jamais été un long fleuve tranquille, à l’image du parcours chaotique du présent projet de loi.

Dès sa création en 1982, l’UAG a été amenée à composer avec plusieurs territoires, aux identités et aux spécificités propres, qui ont multiplié les interventions fléchées, afin de ne prendre en charge que les opérations bénéficiant directement à leur territoire.

Dès son origine, l’établissement a donc été confronté à un balancement permanent entre des logiques d’affirmation territoriale et une volonté de coopération fonctionnelle des territoires dans le cadre d’un projet universitaire unitaire.

L’université des Antilles et de la Guyane s’organisait comme un établissement tricéphale, dont les différents pôles territoriaux étaient historiquement marqués par une très forte spécialisation pédagogique : formation littéraire, juridique et économique en Martinique, scientifique en Guadeloupe et technologique de courte durée en Guyane.

Cette concurrence constante, renforcée par la répartition territoriale des sièges de l’établissement en Martinique et en Guadeloupe ainsi que par la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités, dite « loi LRU », a conduit à l’instauration d’un équilibre fragile entre les trois pôles universitaires ultramarins.

Ainsi, la Guyane a toujours rencontré des difficultés à affirmer son rôle et sa place dans le processus décisionnel concernant les orientations stratégiques de l’établissement.

L'absence de présidence guyanaise de l'université en trente ans d'existence, d’une part, le développement d'une offre de formations supérieures de plus en plus pluridisciplinaires en Guadeloupe et en Martinique au détriment de la Guyane, d’autre part, ont contribué à renforcer le profond sentiment d'injustice de la population guyanaise. Un vaste mouvement de grève a débuté le 8 octobre 2013, déclenchant une crise sans précédent dans l'histoire de l'établissement.

Cette situation exceptionnelle a conduit à nommer une administratrice provisoire en lieu et place de la gouvernance élue du pôle de Guyane. Le décret du 30 juillet 2014, pris en concertation avec les acteurs concernés, a mis fin à cette laborieuse entreprise en créant un établissement guyanais autonome. Toutefois, l'existence juridique de l'établissement antillais devait perdurer jusqu'au 1er janvier dernier, sans tenir compte de cette scission.

C'est ainsi que le pôle guadeloupéen, craignant de devenir une micro-université aux moyens et à l'ambition réduits, a, lui aussi, connu son lot de grèves au mois de mars 2014. L'ordonnance de juillet 2014, qu'il nous est proposé de ratifier par l’adoption du présent projet de loi, répond à cette préoccupation en préservant un établissement antillais unique composé de deux pôles territoriaux, l’un martiniquais, l’autre guadeloupéen, disposant d’une autonomie véritable.

Ce sujet a particulièrement mobilisé le Sénat, notamment Dominique Gillot et Michel Magras – je souhaite saluer leur travail –, qui ont rédigé le rapport d'information sur l’avenir universitaire aux Antilles et en Guyane, lequel a largement inspiré le présent projet de loi ; cela témoigne d’ailleurs une nouvelle fois de l'utilité et de la sagesse des travaux de la Haute Assemblée.

La composition et le mode de fonctionnement des instances de décision de l’université évoluent pour améliorer la performance de l’établissement et le rendre plus opérationnel, grâce à une représentation plus juste et équilibrée des deux pôles permettant d’assurer une certaine équité. Toutefois, madame la ministre, force est de le constater, les mesures prises s'inscrivent dans une logique confirmant la vocation régionale et de proximité de cette université. Or cela n'est pas sans conséquence sur l'attractivité de ces territoires et sur leur avenir, alors même que ceux-ci jouissent d'un patrimoine historique, culturel et environnemental particulièrement riche qu'il convient de valoriser. Comme le déplore la présidente de l'université des Antilles et de la Guyane, seul un quart des bacheliers de ces territoires s'inscrit à l'université des Antilles. En outre, ceux qui ont la possibilité d'aller étudier en métropole ou à l'étranger ne reviennent que rarement, entretenant ainsi la reproduction des inégalités sociales.

Madame la ministre, mes chers collègues, l'université des Antilles est la seule université francophone de cette partie du globe, où elle fait concurrence à l'université des Indes occidentales, qui accueille les étudiants de dix-sept États et territoires anglophones.

Il convient donc de saisir l’opportunité qui nous est offerte pour créer l'université des Antilles sur des fondements sains et de veiller à ce qu’elle se traduise par le renforcement des moyens de cet établissement et par la définition d'une stratégie commune, destinée à assurer le rayonnement national et international de celui-ci, lequel passera par le biais de conventions et de partenariats avec les grandes écoles et universités françaises et étrangères.

En effet, l'excellence universitaire est indissociable du développement économique de ces territoires et de l'insertion sociale et professionnelle de leur jeunesse. Elle constitue un outil de développement de l'égalité des territoires à laquelle le groupe du RDSE est profondément attaché.

Un seul point sème la discorde entre les deux chambres et entrave l'adoption rapide du présent projet de loi. Alors que le Sénat a adopté le principe d'une élection groupée, par le conseil d'administration, du président et des deux vice-présidents – système soutenu par l'actuelle présidente de l'université des Antilles –, l'Assemblée nationale a réintroduit le mode d'élection actuel, qui ne permet pas au conseil d'administration de se prononcer sur la désignation des vice-présidents. Nous regrettons que les deux assemblées n'aient pu s'entendre pour parvenir à un texte identique.

Si la loi peut créer des conditions favorables à une coopération entre pôles, elle ne pourra pas, à elle seule, apaiser les tensions locales qui ont fini par atteindre le Parlement au détriment de l'intérêt de cette réforme attendue. C'est la raison pour laquelle le groupe du RDSE, qui regrette l'impossibilité d'un vote conforme à ce stade mais soutient pleinement la volonté de doter l'université des Antilles des moyens juridiques destinés à éradiquer les blocages originels, préfère s'abstenir sur le présent projet de loi.

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