En donnant satisfaction à M. Lurel, le gouvernement dont vous êtes membre, madame la ministre, s'est placé dans une position bien délicate. Alors que les commissions des deux chambres s'étaient mises d'accord sur le même texte, c'est lui qui a choisi de modifier la donne en soutenant un amendement dont l’adoption n'a fait que détricoter les fruits de ce travail commun et réfléchi.
Madame la ministre, que répondez-vous à ces étudiants qui manifestent en Martinique et en Guadeloupe, attendant que leur université redémarre sur des bases saines ? Que leur répondez-vous quand ils scandent des slogans tels que « université dépecée, jeunesse bousillée » et qu’ils interpellent des politiques en leur reprochant de ne rien faire ?
Nous, au Sénat, leur répondons ; et nous leur proposons un nouveau mode de gouvernance ayant la capacité de garantir la cohérence stratégique et la stabilité de l'établissement à long terme. Au Sénat, nous plaçons en effet l'intérêt général et celui des étudiants ultramarins au-dessus – excusez-moi d’utiliser cette expression – de magouilles politico-politiciennes. Ce qui nous importe, c'est d'établir une stratégie qui serve l'université, ses étudiants et ses enseignants. Or, j’y insiste, la formule du ticket n’a pas été sortie du chapeau ! Elle résultait des multiples auditions menées par M. le rapporteur et des travaux de Mme Gillot et de M. Magras, qui préconisaient cette formule dans un excellent rapport publié l’an dernier.
Mes chers collègues, on ne construit pas l’avenir sans tirer les leçons du passé. Or le mode de désignation prévu par l'ordonnance aux termes de la version retenue par l'Assemblée nationale ne fait que perpétuer un mode de gouvernance déjà à l'œuvre aujourd'hui : une méthode non opérationnelle et dont la scission du pôle guyanais illustre l'échec.
Dans les faits, les conseils consultatifs de pôle désignent déjà leurs vice-présidents. Le président de l'université n'a jamais pu faire de réelle proposition pour ce qui concerne la désignation des vice-présidents de pôle et le conseil d'administration s'est jusqu'à présent contenté de valider le choix des conseils consultatifs. Or l'échec de ce système est manifeste !
C'est cette absence de cohérence stratégique entre les vice-présidences de pôle et la présidence qui a miné l'université des Antilles et de la Guyane. C'est cette incapacité du président à établir un projet fédérateur avec ses pôles qui a conduit à l'échec et qui explique en grande partie la scission du pôle guyanais, régulièrement désavantagé et légitimement écœuré, qui a préféré faire le choix de la scission.
L'Assemblée nationale veut reproduire ce système, qui plus est en l'aggravant, puisque, d’une part, elle refuse au président tout pouvoir de proposition en matière de désignation des vice-présidents de pôle et, d’autre part, elle empêche le conseil d'administration de se prononcer sur ces désignations.
Dans un système de fonctionnement désormais fortement décentralisé et au sein duquel les pôles sont dotés de compétences propres, l'établissement universitaire a plus que jamais besoin d'un mode de gouvernance capable de conduire un projet fédérateur Or, nous en sommes convaincus, seule une confiance forte entre le président de l'université et les vice-présidents de pôle permettra à l'établissement de construire et de faire vivre ce projet ambitieux, fondé sur une coopération fructueuse et des mécanismes de mutualisation opérationnels.
Comme je l'ai indiqué en introduction, le Sénat doit faire son travail jusqu'au bout et refuser tout compromis fondé sur des considérations politiciennes qui ignorent une solution de bon sens.
Pour toutes ces raisons, le groupe UDI-UC ne votera pas votre amendement, madame la ministre, car son adoption remettrait en cause la version que le Sénat avait adoptée à l'unanimité en première lecture. Au contraire, le texte proposé par M. le rapporteur et la majorité de la commission offre un mode de gouvernance adapté aux spécificités des Antilles tirant les leçons du passé et jetant les bases d'un avenir stable et pérenne pour le nouvel établissement des Antilles.