Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’ordonnance visant à créer l'université des Antilles aurait dû être transposée dans la loi au mois de janvier dernier. Nous voilà pourtant en nouvelle lecture du projet de loi visant à la ratifier, après un désaccord avec l'Assemblée nationale et l’échec de la commission mixte paritaire liés à une précision législative relative à la gouvernance unifiée introduite par la Haute Assemblée.
D'où viennent ce désaccord et ce ralentissement du processus ? Du pas de côté effectué par rapport au principe de l'autonomie des universités, sous l'ardente influence d'élus locaux, et qui conduit à une forme de régionalisation de l'enseignement supérieur et de la recherche antillais, que se disputent les entités locales, pour lesquelles l'université est un totem. Or il faut, au contraire, affirmer la construction d'une grande université des Antilles multi-sites, pluridisciplinaire, rassemblée autour d’une stratégie d'établissement de taille significative, afin d’attirer des professeurs et des enseignants-chercheurs de haute distinction et de donner envie aux lycéens de rester au pays pour poursuivre des études ambitieuses.
Depuis des années, une rivalité mine les relations au sein de l'université des Antilles et de la Guyane ; elle a conduit au détachement du pôle guyanais au mois de décembre 2013.
Nous avons uni nos interventions vertueuses pour défendre l'enseignement supérieur et la recherche et pour garder et solidifier l'unité de ce qui doit dorénavant constituer l'université des Antilles. Celle-ci doit être tournée vers les Caraïbes et offrir à cette jeunesse décentrée de l'Hexagone les mêmes chances de réussir et de servir le développement de son territoire que les établissements métropolitains, qui font assaut d'attractivité.
Les différentes collectivités s’honorent d’un soutien financier visible pour la qualité des différents sites, le développement de filières d’enseignement, voire de secteurs de recherche en lien avec les intérêts du territoire ; des élus interfèrent dans la gouvernance de l’université ; des cabales sont entretenues ; la communauté universitaire se déchire régulièrement ; la présidente de l’université est menacée, épuisée par les harcèlements divers ; et aujourd’hui, l’université fonctionne sur des statuts provisoires, non sécurisés juridiquement - c’est le recteur qui a décidé du budget 2015.
Alors, comment en finir ?
Continuer de défendre ce que nous, au Sénat, jugeons bon pour l’université des Antilles, et se faire battre, à nouveau, dans quelques semaines, par l’Assemblée nationale ?
Admettre que les influences locales sont les plus fortes, espérer que l’enseignement supérieur et la recherche ne seront pas régionalisés, et donner, le plus rapidement possible, à l’université des Antilles une chance d’avoir, enfin, les statuts qui lui permettront de mettre en place ses instances légales pour la rentrée universitaire prochaine ?
Ne plus batailler, pour ne pas nourrir les polémiques locales, facteurs de désordre, pour ne pas desservir l’université des Antilles, ses étudiants, ses professeurs, ses enseignants-chercheurs, en prolongeant l’attente jusqu’au cœur de l’été ?
Vous l’aurez compris à ces questions, je ne propose pas de soutenir l’amendement de notre rapporteur. Jacques Grosperrin a pourtant effectué, tout comme Christophe Prémat, premier rapporteur du projet de loi à l’Assemblée nationale, un excellent travail d’écoute, d’analyse et de compréhension du contexte.
Je continue cependant de douter de la cohérence d’une gouvernance à trois têtes, élues de façon distincte et sans lien préalable.
La proposition du Sénat que j’avais soutenue en première lecture - elle-même issue du rapport que j’avais cosigné en avril 2014 - garantissait à mes yeux la recherche d’un accord en amont, tout en respectant l’agrément de chaque vice-président par son pôle.
Si les trois désignations sont totalement indépendantes, et que rien n’oblige à responsabiliser cette gouvernance à trois têtes par un engagement commun devant une instance commune, comment alors pourra être gérée, animée, valorisée et développée cette université ?
Or l’enjeu est bien de garantir l’unité de l’université des Antilles.
J’avais écouté attentivement, et j’ai relu avec la même attention, la déclaration de Geneviève Fioraso, alors secrétaire d’État chargée de l’enseignement supérieur et de la recherche, relative à l’amélioration apportée par le Sénat aux modalités de l’élection de la présidence : « Ces dispositions diffèrent très sensiblement […] de la position exprimée par les collectivités locales concernées. Dans une prise de position publique datée du 7 juillet 2014 et cosignée par les présidents des conseils régionaux et des conseils généraux de Martinique et de Guadeloupe, ces derniers ont expressément indiqué leur souhait de voir figurer dans le texte législatif le principe d’élection libre des vice-présidents par les conseils de pôle. »
Puisque les élus locaux ont « expressément indiqué leur souhait », affirmé en une volonté sans partage depuis, et considérant que la récente visite présidentielle a confirmé bien des attentes locales, je conseille au Sénat, mes chers collègues, de se référer aux propos conclusifs du Président de la République :
« Vous avez voulu l’université des Antilles. La marche est compliquée. Il y a toujours des compétitions, des concurrences… Elles n’ont plus lieu d’être, quand il s’agit de former les jeunes, de leur donner l’excellence, de les faire réussir, et on ne saurait encore être en train de négocier cette partie-là contre cette partie-là !
« Vous avez le devoir de faire vivre dans l’unité, dans le rassemblement, l’université des Antilles. »
Alors, ne perdons plus de temps ! L’Assemblée nationale aura le dernier mot. À nous ensuite de réunir les meilleures intentions pour réussir l’université des Antilles dans le rassemblement !