Intervention de Félix Desplan

Réunion du 10 juin 2015 à 14h30
Université des antilles et de la guyane — Adoption en nouvelle lecture d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Félix DesplanFélix Desplan :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui ce texte en nouvelle lecture parce que la commission mixte paritaire a échoué. Elle a échoué sur un seul point, alors même que sénateurs et députés avaient un même objectif : préserver, sur le long terme, l’unité de l’université des Antilles, après le retrait du pôle guyanais, qui avait souhaité la création d’une université de Guyane, devenue effective au mois de janvier dernier.

En effet, pour maintenir cette unité, deux points de vue se sont opposés. Les uns, dans le droit fil des travaux du groupe de travail présidé par Thani Mohamed Soilihi et du rapport d’information de nos collègues Dominique Gillot et Michel Magras, ont prévu que la désignation du président de l’université et celle des deux présidents de pôle feraient l’objet d’un seul et même vote par le conseil d’administration, sous la forme d’un « ticket » de trois candidats ; les autres, dans la droite ligne du texte gouvernemental, suivant en cela la volonté commune manifestée par les présidents des conseils régionaux et généraux de la Martinique et de la Guadeloupe, ont préféré une élection libre des vice-présidents par chaque pôle régional.

Le principe du premier point de vue est séduisant : un ticket permettrait d’assurer une cohérence entre le projet global d’établissement, porté par le président de l’université, et les stratégies de développement de pôle défendues par les présidents de pôle. Mais nous sommes là dans une théorie qui, en fait, n’est peut-être pas adaptée au contexte local.

En effet, n’est-ce pas la tentation « centralisatrice » qui a abouti à la sécession de la Guyane ? Dans une récente lettre ouverte, l’actuel vice-président du pôle de la Guadeloupe explique que « le ticket fonctionne sur un biais conceptuel : les Antilles ne sont pas un territoire, mais une construction fictionnelle. Par contre, la Guadeloupe, comme la Martinique, sont des territoires réels avec chacun une réalité juridique. » Il n’a sans doute pas tort.

À cet égard, je regrette que les commissions de nos deux assemblées n’aient auditionné aucun responsable universitaire guadeloupéen. Le souhait exprimé en Guadeloupe d’une large autonomie tant pour le fonctionnement, la gestion budgétaire que la pédagogie ressortait pourtant avec évidence du rapport d’information rédigé par nos collègues. Dès lors, qu’un vice-président soit élu par son pôle semblait être le pendant logique.

Les collectivités de la Guadeloupe et de la Martinique ont chacune leur propre évolution institutionnelle. Elles ont chacune leur propre stratégie en matière de développement économique et environnemental, ainsi qu’en matière de coopération avec les territoires voisins. Elles ont aussi des préoccupations communes, au rang desquelles une jeunesse qui, dans un contexte de fort chômage et de précarité, peine à trouver sa place. Elles apportent un soutien concret et très important à l’université des Antilles parce qu’il est essentiel, pour la survie de ces territoires, de permettre aux jeunes de s’y former pour y travailler ensuite.

Or les trois quarts des bacheliers guadeloupéens et martiniquais partent encore étudier dans l’Hexagone, à huit mille kilomètres de là, et beaucoup ne reviendront pas. Dans ce contexte, on ne peut réussir la reconstruction pérenne d’une université sans s’adapter aux réalités de ces collectivités, aux aspirations de ses élus, de ses universitaires et de sa population. Et ce n’est pas, me semble-t-il, parce que des vice-présidents seront élus par leur pôle respectif qu’ils ne pourront pas œuvrer ensemble au bien commun, en confiance et en toute équité.

Voilà pourquoi j’accepte aujourd’hui, moi aussi, ce mode d’élection et approuve le dépôt par le Gouvernement d’un amendement en ce sens.

Notre commission de la culture a réitéré, par l’adoption d’un amendement de son rapporteur, sa position initiale en faveur du ticket. Mais il ne fait aucun doute que le dernier mot reviendra à l’Assemblée nationale, ce qui compromet l’avenir de cette solution.

Je veux, cependant, souligner que, sur le reste du texte, les sénateurs et les députés se rejoignent, et c’est heureux, pour œuvrer en faveur de la refondation d’une université qui a traversé bien des crises. Espérons que cette refondation permettra au talent et à l’énergie de ses chercheurs, de ses enseignants et de ses étudiants de s’épanouir pleinement, dans une atmosphère apaisée ! C’est en tout cas dans cet esprit que je voterai l’amendement du Gouvernement et m’abstiendrai sur ce texte.

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