Intervention de François Pillet

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 10 juin 2015 : 1ère réunion
Nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie — Examen du rapport pour avis

Photo de François PilletFrançois Pillet, rapporteur pour avis :

Faut-il à nouveau légiférer ? La loi va-t-elle améliorer la situation ? Je rappelle, pour commencer, que l'on ne fait pas ici le procès d'une loi qui aurait été mal pensée. C'est une loi qui n'a pas été suffisamment appliquée. Les soins palliatifs ne sont pas assez développés en France. Ce n'est pas seulement une question de moyens, mais d'approche. Par une sorte de mésestime, on dédaigne la formation aux soins palliatifs, alors même que ce sont des soins qui, comme je l'ai souvent entendu, sont complémentaires du traitement avec lequel ils se mettent en place. Or les médecins généralistes n'y sont pas formés ; ils en ignorent les objectifs et les techniques. Alors que l'on crée, pour lutter contre la désertification dans nos territoires, des maisons pluridisciplinaires de santé, ne serait-il pas utile de prévoir qu'au moins un médecin au sein de ces structures y soit sensibilisé ?

La loi ne réglera pas tous les problèmes. Elle va apporter des garanties supplémentaires quant à la recherche de la volonté du malade, mais elle ne préviendra pas tous les contentieux. Imaginez quelqu'un qui, victime d'un accident de la circulation, se trouve dans le coma. S'il n'a pas donné de directives anticipées, n'a pas désigné de personne de confiance et que ses proches sont divisés, la loi ne résoudra pas le problème. Si le médecin estime qu'on en est arrivé à une situation d'acharnement thérapeutique, il pourra interrompre les soins, mais on n'échappera pas à de possibles contentieux. Aucune loi ne peut les prévenir entièrement, et celle-ci pas plus qu'une autre.

Si la loi telle que l'a voulue le législateur en 2005 avait été appliquée, et les soins palliatifs développés, il n'aurait peut-être pas été nécessaire de réfléchir à un nouveau texte.

La question des maisons de retraite a également été évoquée. Ce sont des situations que je connais bien, pour avoir été président d'un Ehpad. Quand, en pleine nuit, une personne qui se trouve dans un état quasi végétatif est prise d'un problème respiratoire, qu'il n'y a pas d'infirmière, pas de médecin qui puisse se déplacer, on l'envoie directement aux urgences. Il est sûr, dans ce cas, que son agonie sera douloureuse. Si, avec cette loi et pour peu qu'existent des directives anticipées, le médecin de l'Ehpad peut décider, en en prenant la responsabilité, qu'il n'envoie pas aux urgences et traite la douleur, est-ce que ce sera plus humain ? À chacun d'en décider. En n'oubliant pas que plus personne ne meurt chez soi.

J'en viens à la grande question qu'a soulevée M. Collombat. Fallait-il aller jusqu'à l'extrême forme de l'expression de la volonté ? La question n'a pas été oubliée : cette solution a été écartée. C'est un choix. Et qui relève de la conscience de chacun.

La procédure collégiale, Monsieur Anziani, est nécessairement mise en oeuvre lorsque le patient ne peut pas faire connaître sa volonté.

La mort de chacun se traite aussi, comme je l'ai entendu au cours des auditions, dans ce que l'on appelle le bien vivre ensemble. Tout le débat est là. L'agonie ne sert à rien ? Tout est dans le point d'interrogation : si vous faites de l'assertion une interrogation, vos réflexions ne seront pas terminées.

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