Intervention de Fabienne Keller

Délégation sénatoriale à la prospective — Réunion du 28 mai 2015 : 1ère réunion
Présentation du rapport d'information de fabienne keller à la suite de l'atelier de prospective du 9 avril 2015 sur « mieux prévenir et gérer les crises liées aux maladies infectieuses émergentes »

Photo de Fabienne KellerFabienne Keller, rapporteure :

La rougeole a disparu en France mais est restée endémique dans les pays du Sud. Compte tenu de l'importance des flux, notamment de personnes, les échanges sont facilités. Maladie extrêmement contaminante, elle a fini par réémerger.

Dans le cadre de mon rapport initial, j'ai décrit très longuement un fait particulièrement marquant : le nombre de personnes tuées par des maladies infectieuses n'a pas véritablement diminué. Les progrès extraordinaires de la médecine ont été pour ainsi dire annulés par l'augmentation des flux d'échanges, par les chocs liés aux variations climatiques, aux dégradations des conditions de vie dans les pays du Sud, autant de facteurs favorables à la propagation des maladies.

Le défi est aussi grand qu'il y a un siècle ou deux. Quand la maladie ne concerne plus que les pays du Sud, la recherche s'arrête. C'est un vrai problème. La tuberculose tue un million de personnes par an dans le monde, 250 000 en Inde, autant en Chine, et en infecte plusieurs millions. Jusqu'à il y a trois ou quatre ans, la recherche s'était totalement arrêtée parce que la maladie avait disparu de tous les pays dits à « marché santé solvable ».

C'est le sens du premier amendement que j'évoquais : rappeler les liens de dépendance qui unissent tous les pays, amplifier les moyens de recherche dans les pays du Sud, car, à défaut d'être traitée, une maladie finit par réémerger ou muter. J'ai passé une semaine en Inde, où la politique de santé publique mise en oeuvre préconise, pour lutter contre la tuberculose, la prise simultanée de quatre antibiotiques très anciens. Des millions de personnes traitées simultanément, des prises plus ou moins régulières, statistiquement, la multirésistance se développe et, craignent les spécialistes, quelqu'un va bien finir par se retrouver résistant à tout et devenir porteur d'un pathogène, en l'occurrence d'un bacille de koch contre lequel on ne saurait plus du tout lutter.

Il est donc opportun de multiplier les points d'accès à la vaccination. Permettre aux pharmaciens de vacciner directement, à l'exception, bien évidemment, des cas qui méritent vérification par un médecin, ne pourra que simplifier et raccourcir le circuit actuel de prescription et de vaccination, et amplifier le taux de vaccination en France.

Dans les pays concernés par le développement de ces maladies, se pose toute la question des grands facteurs de propagation. Je citerai l'étalement urbain, pour faire le lien avec le travail de Jean-Pierre Sueur, avec des réseaux d'eau potable et d'assainissement défaillants voire absents. Si Ebola a pu se développer, c'est parce que le virus est arrivé en ville, dans des quartiers assez pauvres, aux mauvaises conditions d'hygiène, de suivi sanitaire.

Parmi les nombreux facteurs de transmission, il en est un qui a mis un peu de temps à être identifié : les rites funéraires. La propagation du virus a contraint les autorités à pratiquer des enterrements sécurisés. Mais les proches des défunts ont déterré les corps, car, selon les croyances rituelles, ne pas respecter les rites funéraires condamne les âmes à une errance sans fin. Le virus s'est propagé par les liquides, notamment la transpiration. Entre le risque vital et le fait de laisser leurs aïeux sans repos éternel, les personnes ont choisi la seconde option. D'où l'importance de passer par les bons relais, par des personnalités reconnues comme légitimes pour parler des rituels de deuil, pour expliquer le bien-fondé d'un enterrement sécurisé. Faute d'un tel travail de sociologie, différent d'un pays à l'autre, les politiques menées ne pourront être efficaces.

Des maladies potentiellement réémergentes, il y en a beaucoup. Je n'en ferai pas la liste complète, inutile de se faire peur. Les fièvres hémorragiques, dont Ebola, ont été identifiées depuis longtemps. Elles sont très dangereuses, très virulentes, mais pour l'instant émergent plutôt dans des territoires de brousse. Elles font quelques centaines de morts, personne n'en parle car cela reste des cas isolés. La nouveauté avec Ebola, c'est une diffusion accélérée et en milieu urbain.

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