Tout d'abord, l'année 2014 ne marque pas une dérive des dépenses d'AME. La progression de 1,1 % est inférieure au rythme d'accroissement des dépenses de l'assurance maladie. Il n'y a donc pas de dérapage de l'AME de ce point de vue.
Cela résulte des mesures mises en oeuvre par le ministère des affaires sociales et de la santé, qui ne reste pas inactif face à cette situation. Ces mesures ont concerné le panier de soins, la tarification à l'activité à l'hôpital... À l'issue de leur montée en charge, fin 2015, l'ensemble de ces mesures représenteront au total près de 155 millions d'euros d'économies. Ceci n'est pas négligeable pour le programme 183 « Protection maladie ». Je rappelle également, compte tenu de la nature des dépenses en cause, que nous attachons une attention particulière à la vérification des droits et à la juste dépense. Néanmoins, 722 millions d'euros représentent moins de 0,5 % de la dépense publique de santé, qui est supérieure à 180 milliards d'euros. Par ailleurs, l'ensemble des actions que nous menons en matière de maîtrise des dépenses de santé ont un effet sur l'AME. Lorsque nous baissons les prix de médicaments, que nous encourageons l'utilisation des génériques, ceci a un effet sur l'ensemble des utilisateurs du système de santé, qu'ils bénéficient ou non de l'AME.
S'agissant des éventuelles conséquences sanitaires et financières d'une suppression de l'AME, les deux rapports successifs de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l'Inspection générale des finances (IGF), rendus il y a plus de cinq ans, indiquent qu'une restriction importante du panier de soins de l'AME pourrait créer des risques en matière de santé publique. Ceux-ci ne sont pas quantifiés mais ils sont néanmoins soulignés, à la fois par l'IGAS et par l'IGF.
Je souhaiterais compléter les éléments chiffrés : à la fin de l'année 2014, il y avait 294 000 bénéficiaires de l'AME. Ce chiffre était de 215 000 en décembre 2010 et de 155 000 en décembre 2004. La hausse n'est donc pas nouvelle.
Les économies annoncées ne sont pas « one shot » mais viennent bien minorer de façon pérenne l'évolution de la dépense.
Comme toutes les conférences budgétaires concernant des dépenses de guichet telles que le revenu de solidarité active (RSA) « activité » ou l'allocation pour adulte handicapé (AAH), celle concernant l'AME est compliquée. Nous échangeons avec les services de la direction du budget, de l'assurance maladie et les équipes statistiques de la direction de la sécurité sociale, pour évaluer le tendanciel des dépenses, et nous discutons de la faisabilité des mesures d'économie. Ces réunions préparatoires se traduisent ensuite par des réunions entre les ministres en charge du budget et de la santé - je suis d'ailleurs sous l'autorité des deux ministres concernés.
La réalité est simple : nous sommes incapables d'anticiper quel sera le nombre réel de bénéficiaires de l'AME car il s'agit d'une population en situation irrégulière et dont l'évolution dépend de multiples facteurs ! À titre d'exemple, en 2010, nous avons enregistré une hausse de 8 % des bénéficiaires et en 2011, une baisse de 5 %. Il est effectivement difficile de déterminer le tendanciel d'évolution de la dépense, en raison de l'évolution très erratique du nombre de bénéficiaires. Par ailleurs, je rappelle que les hypothèses techniques de budgétisation sont fournies au Parlement dans les projets annuels de performances.
Je souhaiterais également compléter mon propos concernant la situation en Allemagne. Les personnes en situation irrégulière se voient appliquer la législation relative aux demandeurs d'asile, ce qui signifie qu'elles ont droit à des prestations médicales dites « de base », en cas de grossesse, de maladie grave et lorsque leur état nécessite une intervention urgente. Nous avons interrogé les services de l'ambassade de France à Berlin. Il s'avère que les professionnels de santé ont, dans la plupart des cas, des difficultés à différencier les différents types de soins, notamment pour des raisons éthiques et déontologiques. Par ailleurs, un certain nombre de municipalités - Munich, Berlin, Francfort, Cologne - mettent en place des dispositifs complémentaires à travers des centres de santé ou des aides financières.
Enfin, concernant l'éventuel tourisme médical lié à l'AME, par définition, face à une population en situation irrégulière, nos outils statistiques sont limités. Nous menons beaucoup d'enquêtes sur la population du régime général mais ceci est nettement plus compliqué pour les bénéficiaires de l'AME. Il n'y a pas de fichier national, vous comprendrez bien pourquoi... Même si les échanges que nous avons avec les hôpitaux, y compris avec l'assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP), confirment qu'il existe des filières d'accès aux soins, qui peuvent entraîner des arrivées sur le territoire français.