Le collège, tel qu'il existe aujourd'hui, ne saurait être résumé à l'ennui des élèves, à un carcan de disciplines ou au désintérêt des professeurs à y traiter les difficultés des apprentissages. Ce serait trahir les efforts déployés au quotidien par les équipes enseignantes.
Que le collège ne parvienne pas à conduire tous ses élèves à la réussite ne peut suffire à le désigner comme le maillon faible du système éducatif. Ce serait ignorer qu'il est confronté à des problèmes spécifiques : ceux de l'adolescence et de ses comportements, de la disparité des acquis, mais également de la réduction progressive des moyens et des taux d'encadrement - déjà moins favorables que la moyenne des pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Toutefois, le collège marque la réussite d'une volonté politique essentielle, celle de scolariser ensemble toute une génération d'adolescents et de développer pour eux les mêmes ambitions.
Nous ne considérons pas que la réforme actuelle puisse contribuer à lutter efficacement contre les inégalités, qui constituent le problème majeur du système éducatif. Cette position ne résulte en rien d'un conservatisme qui refuserait tout changement ; les raisons qui guident les opposants à cette réforme ne sont pas les mêmes, ne les agrégeons pas trop vite.
La première nécessité de réforme pour le collège est de permettre une mixité sociale réelle sur l'ensemble du territoire, et non seulement en supprimant quelques sections ou options, d'autant que celles-ci constituent souvent un vecteur de lutte contre l'évitement scolaire. Cette mixité exige une politique déterminée, volontaire et courageuse.
La seconde nécessité est de donner au collège des moyens à la hauteur de l'ambition que nous portons pour tous ses élèves. Lorsque l'on nourrit une telle volonté, il faut en assumer les coûts. Or la rationalisation budgétaire a été portée par un discours de relativisation des moyens, qui prétend que la qualité n'aurait aucune relation avec les moyens consacrés à l'action. Mais peut-on décréter l'aide personnalisée quand les moyens ne permettent pas le dédoublement des classes ? Il en va de même pour les effectifs des classes, la formation continue, ou encore le recrutement des enseignants, qui connaissent une baisse de leur pouvoir d'achat et la dégradation de leurs conditions de travail.
Les aménagements de la réforme ne relèvent en rien d'une révolution pédagogique. S'il est souhaitable de développer la concertation au sein des équipes et l'interdisciplinarité, cela nécessite d'identifier des problématiques dont la résolution fait appel à des concepts issus de plusieurs champs disciplinaires ; il s'agit d'un exercice complexe qui exige une formation adaptée des enseignants.
Faute de volonté de consacrer à l'éducation les moyens nécessaires, la réforme s'appuie sur des volontés d'évolution institutionnelle qui n'apporteront aucune amélioration. La première est l'autonomie des établissements, dont certains affirment dogmatiquement qu'elle contribuera à la réussite des élèves, refusant de tirer parti des bilans désastreux des expériences suédoises et britanniques. Ne procédant pas de la seule réflexion des équipes enseignantes, les organisations nouvelles mises en oeuvre - AP et EPI - vont devoir se conformer à des dotations horaires disciplinaires qui parfois s'avéreront incohérentes avec ces projets. Il faudra trancher et parfois sans ménagement. En résultera-t-il réellement une meilleure coopération des enseignants ?
Nous voulons réformer le collège et ainsi rompre les liens qui unissent inégalités sociales et inégalités scolaires. Mais nous savons que cela nécessite une politique qui ne peut se contenter d'affirmer des valeurs mais qui doit conduire les choix budgétaires nécessaires. À défaut, nous continuerons l'empilement des réformes et nous constaterons l'accentuation des fractures sociales. La pédagogie comme la qualité professionnelle des enseignants sont déterminants ; en revanche, il y a un point critique où elles risquent de n'être plus que cautère sur jambe de bois. Il est notre devoir de le dire à la représentation nationale.