Intervention de Yves Pozzo di Borgo

Réunion du 16 juin 2015 à 14h30
Débat préalable à la réunion du conseil européen des 25 et 26 juin 2015

Photo de Yves Pozzo di BorgoYves Pozzo di Borgo :

Nous devons impérativement nous libérer des marges de manœuvre, opérer une substitution entre dépenses d’investissement et dépenses de redistribution, afin de préparer notre avenir européen. Avec 57 % du PIB consacré à la dépense publique, dont la moitié, soit plus de 1 000 milliards d’euros pour la seule sécurité sociale, il devient évident que nous gérons plus l’urgence du présent que les enjeux de l’avenir.

Une telle évolution est d’autant plus nécessaire que nos besoins en matière de sécurité et de défense vont s’accroître dans les années à venir. Les tensions aux frontières de l’Union se multiplient, en Ukraine, en Syrie, en Irak, en Libye, en Méditerranée, sans parler du terrorisme international ! L’effort de défense sera aussi, et surtout, un effort financier, au moins durant les prochaines années.

Le cadre sécuritaire de l’Europe a profondément changé en douze ans. Aussi, il faut aller plus loin qu’une simple actualisation de la stratégie 2003. Nous avons besoin d’un Livre blanc européen de la sécurité et de la défense. Le document qui vient d’être publié en anglais, aujourd’hui, sur le site de la Commission européenne en tient un peu lieu.

Quand allons-nous construire une défense européenne, si ce n’est aujourd’hui, avec toutes les tensions que traversent le monde et l’Europe ? Pourquoi, alors que la France est la première puissance militaire européenne, ne prenons-nous pas l’initiative d’une coopération structurée permanente avec une dizaine de pays, dont le Royaume-Uni ? Le traité de Lisbonne nous le permet !

Une telle action ne serait pas contradictoire avec l’état d’esprit ayant prévalu lors de l’accord de Saint-Malo entre Jacques Chirac et Tony Blair, qui préconisait une solidarité et une coopération plus étroites entre l’OTAN et l’Union européenne.

Il serait important de bâtir très vite un agenda positif sur la cyberdéfense ou la guerre hybride et de faire reconnaître notre contribution au renforcement de la sécurité des alliés ; je pourrais évoquer la base industrielle et technologique de la défense, la BITDE, et les projets capacitaires européens.

Prenons l’exemple de l’Ukraine, qui constitue un cancer entre l’Europe et la Russie depuis longtemps. Les tensions qui traversent ce pays sont graves, mais les accords de Minsk, et je salue l’action du Président de la République à cet égard, offrent un gage de stabilité en tant qu’ils fixent une ligne rouge à ne pas franchir, du côté tant des rebelles que du gouvernement.

À ce titre, il faut veiller à ce que ces accords soient respectés. Or il est impossible de faire respecter Minsk sans une relation saine et franche avec la Russie. On ne saurait donc faire de la Russie le facteur unique de troubles dans la région sans alimenter à notre tour les tensions à l’Est. Je regrette que le Parlement européen ait voté contre le partenariat stratégique entre l’Union européenne et la Russie mercredi dernier.

Au demeurant, la relation avec la Russie est incontournable dans la gestion des crises syro-irakienne et libyenne. Sans l’appui de la Russie, une intervention sous l’égide du chapitre VII de la Charte des Nations unies est impossible. Nous savons pourtant tous qu’aucun État européen ne prendra le risque d’une intervention solitaire, sans l’appui du Conseil de sécurité de l’ONU.

Je souhaite également dire un mot sur la crise migratoire en Méditerranée. Au mois de février dernier, monsieur le secrétaire d’État, je vous avais alerté dans ce même hémicycle contre le danger de voir la Libye se changer en bombe migratoire. Cette situation présente également un risque terroriste pour l’Europe. En effet, comme M. le ministre de la défense l’a rappelé devant la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, 200 kilomètres de côtes libyennes sont contrôlés par Daesh !

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