Je remercie les orateurs qui ont pris part à la première partie de ce débat et je tiens à répondre sur certains points qu’ils ont soulevés et que je n’avais pas nécessairement abordés dans mon propos introductif.
MM. Requier et Pozzo di Borgo, ainsi que de nombreux autres orateurs, ont souligné que le Conseil européen des 25 et 26 juin se pencherait sur la reconduction des sanctions infligées à la Russie du fait de la situation en Ukraine.
Nous ne considérons pas que les sanctions individuelles et sectorielles adoptées par l’Union européenne à l’encontre de la Russie et des séparatistes soient une fin en soi ; nous les concevons comme un moyen indispensable pour garantir le respect des engagements pris dans le cadre des négociations de Minsk, en particulier du protocole de Minsk II, négocié sous l’égide du Président de la République, François Hollande, et de la Chancelière Angela Merkel.
Comme l’a indiqué le Conseil européen des 19 et 20 mars dernier, la décision que les chefs d’État et de gouvernement prendront dans quelques jours au sujet de ces sanctions devra tenir compte de l’évolution de la situation et de la mise en œuvre, complète ou non, des engagements de Minsk. Je rappelle que celle-ci doit se poursuivre selon le calendrier prévu, qui s’étend jusqu’à la fin de cette année.
On peut donc s’attendre à une reconduction au moins partielle des sanctions, conçues comme un moyen de pression pour faire respecter la feuille de route arrêtée à Minsk, qui seule peut ouvrir la voie à une issue politique et négociée du conflit. Le G7 d’Elmau a d’ailleurs pris la même position, conformément au vœu de la France.
M. Pascal Allizard et d’autres orateurs ont souligné l’importance de la politique de défense commune, en insistant sur la nécessité d’une meilleure répartition des charges et des efforts à fournir, en particulier s’agissant des équipements qui doivent être mobilisés.
En ce qui concerne les opérations maritimes, M. Allizard a rappelé à juste titre que la France participait non seulement au secours des migrants en mer, mais aussi à la lutte contre la piraterie, aussi bien dans le golfe de Guinée qu’au large de la corne de l’Afrique.
Nous souhaitons que le prochain Conseil européen soit l’occasion de mettre en exergue l’enjeu que représente un niveau suffisant de dépenses des États membres si l’on veut donner à l’Union européenne les moyens de son autonomie stratégique. Car, si l’on accroît les dépenses et si l’on achète du matériel, c’est avant tout pour que la politique extérieure de l’Union européenne soit étayée par une véritable politique de défense, qui accompagne ses décisions, qui concrétise ses ambitions, qui permette tout simplement d’assurer sa sécurité.
Le Conseil européen de sécurité et de défense commune des 19 et 20 décembre 2013 a défini trois axes prioritaires
Le premier consiste à augmenter l’efficacité, la visibilité et l’impact de la politique de sécurité et de défense commune. À cet égard, a été notamment soulignée l’importance des groupements tactiques, qui sont le principal outil militaire de réaction rapide de l’Union européenne dans les situations de crise. Ce Conseil européen s’est également prononcé en faveur d’un renforcement du soutien aux États africains, en particulier via l’initiative Train and Equip, qui nécessitedes fonds plus importants et qui doit permettre notamment aux États de la zone sahélo-saharienne d’assurer une meilleure gestion intégrée de leurs frontières.
Le deuxième axe prioritaire défini en matière de sécurité consiste à accroître le développement des capacités de défense, en faveur notamment des quatre grands programmes capacitaires : le ravitaillement en vol, les drones, les satellites et la cyberdéfense.
Le troisième axe consiste à renforcer l’industrie européenne de défense, ce qui suppose d’adapter un certain nombre de règles touchant aux appels d’offres et de soutenir non seulement les grandes entreprises, mais aussi les PME de ce secteur.
François Marc a souligné que le débat sur le rapport des quatre présidents relatif à l’Union économique et monétaire, l’UEM, devrait porter non seulement sur le soutien à la croissance et sur le financement de l’investissement, en particulier dans les secteurs d’avenir comme le numérique, mais aussi sur la défense du modèle social que l’UEM doit promouvoir. Vous savez que la France, comme le Luxembourg, qui est à l’origine de la formule de « triple A social », se bat pour le renforcement de la convergence dans ce domaine.
D’abord, nous devons assurer le respect des règles relatives au détachement de travailleurs, qui sont de la plus haute importance pour prévenir le dumping social, notamment dans les secteurs du bâtiment et du transport routier ou encore pour le travail saisonnier dans l’agriculture. Nous sommes fermement attachés à la liberté de circulation et d’établissement dans l’espace européen, mais elle a pour contrepartie le respect des règles sociales du pays dans lequel un citoyen européen travaille. §Des dispositions extrêmement claires doivent être prises à cet égard, s’agissant des horaires de travail, du salaire minimum et de la protection sociale, ainsi que des mécanismes de contrôle et de la responsabilité des donneurs d’ordres.
Ensuite, nous voulons promouvoir l’idée d’un salaire minimum dans tous les pays de l’Union européenne. Si l’Allemagne a adopté le sien, ce qui contribuera à assurer un meilleur équilibre au sein de la zone euro, d’autres pays ne disposent pas encore d’un tel dispositif. Nous souhaitons qu’une convergence se réalise sur ce plan, même si les niveaux des salaires dépendront évidemment des niveaux de développement des différents États membres.
Enfin, nous considérons qu’une coopération et des orientations communes sont nécessaires en matière de politiques actives vis-à-vis du marché du travail, de régime de protection sociale et de droits à la formation tout au long de la vie. Tous nos pays réforment leur marché du travail en s’efforçant de le rendre plus fluide et plus favorable aux embauches, mais cette évolution doit avoir pour contrepartie des droits à la formation plus étendus et une protection renforcée pour les personnes privées d’emploi ; certains pays, en particulier dans le nord de l’Europe, ont montré la voie dans ce domaine.
Tels sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les objectifs qui nous guident en ce qui concerne le « triple A social » qui doit accompagner la réforme de la gouvernance et de la coordination des politiques économiques au sein de l’Union économique et monétaire.
La stratégie numérique, qu’a évoquée André Gattolin, est tout à fait essentielle et doit évidemment comporter un aspect relatif à la cybersécurité.
André Gattolin a également abordé la question de l’Arctique, sur laquelle il travaille beaucoup, nous le savons. La France a, avec l’Union européenne, trois objectifs dans ce domaine : protéger et préserver l’Arctique, en coopération avec les populations qui y vivent ; promouvoir l’utilisation durable des ressources ; renforcer la coopération internationale.
En tant qu’observateur au sein du Conseil de l’Arctique depuis 2000, la France participe activement aux travaux des différentes tables rondes qui sont organisées. Nous connaissons, monsieur le sénateur, l’importance du travail que vous accomplissez pour assurer la cohérence entre la politique de protection de l’Arctique et la lutte contre le changement climatique, dont vous avez rappelé qu’il a des conséquences tout à fait considérables dans cette région du monde.
Éric Bocquet m’a demandé où nous en étions dans la préparation de la COP 21.
Une étape de la plus haute importance vient d’être franchie : une session de négociations s’est tenue à Bonn, au cours de laquelle nous avons fait entériner le principe d’un texte en amont de la conférence qui se réunira au mois de décembre à Paris ; ce texte devrait être prêt d’ici au mois d’octobre. De cette manière, nous ne risquerons pas de voir se resurgir les difficultés qui se sont présentées lors du sommet de Copenhague : souvenez-vous que, à l’ouverture de la conférence internationale, il avait fallu appeler les chefs d’État et de gouvernement pour essayer de trouver un accord qui n’avait pas été préparé en amont ; or cela n’avait pas été possible, tant sont grandes, pour chacune des 195 parties aux accords, les implications des décisions qui doivent être prises au sujet des modèles de croissance énergétique, de consommation énergétique des industries et d’organisation des transports.
Comme nous l’avons toujours indiqué, nous tenons à impliquer les ministres avant le sommet de Paris, parce que nous voulons faire tout notre possible pour ne pas attendre le dernier moment. Nous sommes sur les rails pour obtenir d’ici au mois d’octobre un paquet clair, un texte énonçant les grandes lignes d’un accord et des décisions de mise en œuvre. Nous y parviendrons grâce aux réunions des chefs d’État et aux différentes réunions ministérielles. Tous les processus politiques de haut niveau seront mis à profit, comme l’a été le G7.
Ainsi que Laurent Fabius l’a annoncé, deux réunions informelles se tiendront au niveau ministériel : la première aura lieu les 20 et 21 juillet prochain, avant la session formelle de l’ADP – groupe de travail de la plateforme de Durban – qui aura lieu du 31 août au 4 septembre, la seconde le 7 septembre, avant la session formelle de l’ADP qui se tiendra du 19 au 23 octobre.
Par ailleurs, la question sera à l’ordre du jour de l’Assemblée générale des Nations unies, puisque M. Ban Ki-moon organisera un sommet consacré aux ultimes préparatifs de la COP 21, en présence des chefs d’État et de gouvernement.
Éric Bocquet a également abordé la question de la négociation commerciale transatlantique.
S’agissant d’abord de l’agriculture, nous abordons cette négociation avec une grande vigilance quant aux intérêts agricoles européens, et notamment français. Les États-Unis sont le premier débouché du secteur agroalimentaire français hors de l’Union européenne : ils absorbent 18 % de l’excédent français dans ce domaine. Or nos exportations vers ce pays sont aujourd’hui entravées par de nombreuses barrières techniques, dont nous souhaitons le démantèlement.
Nous appelons également de nos vœux une protection des indications géographiques, à l’instar de celle que nous avons obtenue dans l’accord conclu avec le Canada.
Nous resterons évidemment attentifs, jusqu’au terme des négociations, à la défense de nos « lignes rouges », que l’Union européenne a totalement reprises à son compte ; je pense en particulier à l’exclusion du bœuf aux hormones, des OGM et du poulet chloré, ainsi qu’aux produits dits sensibles, qui bénéficient d’une protection, et sur la nature desquels il convient de ne pas revenir.
Pour ce qui est des services, nous serons très attentifs à ce que l’accord ne remette pas en cause le droit à réguler de l’Union européenne et de ses États membres, en particulier dans les domaines d’intérêt général, c’est-à-dire pour les services publics.
Le rapporteur général, Albéric de Montgolfier, comme le président de la commission des affaires européennes, Jean Bizet, ont souhaité, à l’instar d’autres orateurs, revenir sur les négociations en cours concernant la Grèce.
La position de la France est extrêmement claire à ce sujet, et le Président de la République l’a rappelée hier : nous ne pouvons plus attendre ; un accord doit impérativement être conclu sans délai.
L’objectif est de trouver une solution qui concilie deux exigences : le respect des engagements pris par la Grèce, notamment en matière de réformes, et le respect du vote du peuple grec, qui a exprimé son refus de l’austérité perpétuelle. À cela s’ajoute un certain nombre de contraintes qui expliquent la complexité des négociations actuellement en cours au sein de l’Eurogroupe, avec le Fonds monétaire international et avec la Banque centrale européenne.
La première contrainte est d’ordre juridique. En effet, afin de débloquer la dernière tranche d’aide financière de 7 milliards d’euros, il est nécessaire que soit signé avec la Grèce un accord comportant des engagements clairs sur les réformes.
Ensuite, nous sommes confrontés à des contraintes de calendrier. Le temps presse puisque l’accord doit être conclu avant le 30 juin, date à laquelle la Grèce doit rembourser 1, 6 milliard d’euros de prêt du FMI. De ce point de vue, la réunion de l’Eurogroupe, ce jeudi 18 juin, sera décisive.
Enfin, il faut parvenir à un accord qui assure à la fois la stabilité financière de la zone euro, la poursuite des réformes en Grèce et le retour de la croissance dans ce pays, dès lors que c’est uniquement à ces conditions que le pays pourra sortir de la crise, qui est aussi sociale, dans laquelle il est plongé depuis plusieurs années, et qu’il sera à même de recréer de l’emploi.
Sur ces sujets, la France agit en ayant à l’esprit à la fois un principe de solidarité européenne et un principe de responsabilité, avec une triple préoccupation : l’intérêt de la Grèce, le maintien de l’intégrité de la zone euro et donc le maintien de la Grèce dans la zone euro.