Intervention de Gérard Dériot

Réunion du 16 juin 2015 à 14h30
Malades et personnes en fin de vie — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Gérard DériotGérard Dériot :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi soumise à notre examen s’inscrit dans des débats déjà anciens, auxquels certains d’entre nous ont eu l’occasion de participer, et qui n’ont rien perdu de leur actualité. L’annonce par le Président de la République, en décembre dernier, d’un nouveau plan triennal de développement des soins palliatifs marque d’ailleurs le besoin d’une meilleure prise en charge des personnes malades dans notre pays, et plus particulièrement des personnes en fin de vie.

Plusieurs lois successives ont consacré des principes clairs et protecteurs : d’abord, l’accès de tous aux soins palliatifs avec la loi du 9 juin 1999 ; ensuite, le consentement libre et éclairé des malades aux soins avec la loi du 4 mars 2002 ; enfin, la possibilité de l’arrêt des traitements en fin de vie avec la loi dite « Leonetti » du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie.

Or, nous le savons tous, la réalité, malgré d’incontestables progrès, ne correspond pas à la volonté du législateur : depuis plus de quinze ans, la persistance du « mal mourir » dans notre pays n’a cessé de peser sur les conditions du débat public. L’inégalité de l’accès aux soins palliatifs est forte, en particulier selon les territoires, comme l’a récemment rappelé la Cour des comptes.

Je souhaite cependant insister d’emblée sur un point : prévoir de nouvelles contraintes législatives pour le déploiement des soins palliatifs n’ajoute rien à la loi de 1999 et n’aura pas plus d’effets, car le véritable enjeu est celui des moyens. Madame la ministre, vous avez hérité, dans le contexte budgétaire que chacun connaît, d’une charge lourde, mais c’est sur vous que repose l’obligation pour l’État de garantir à chacun l’accès effectif aux soins palliatifs, très largement insuffisant à l’heure actuelle, vous venez de le rappeler.

Je souhaite également réaffirmer que la loi dite Leonetti est une bonne loi. Son adoption rapide en 2005 a donné une base à la lutte contre l’acharnement thérapeutique. Cette base est désormais consacrée par la jurisprudence européenne et de plus en plus intégrée aux pratiques.

Il ne faut pas, à l’occasion du débat sur la présente proposition de loi, défaire les principes en place depuis dix ans, qui, chaque jour, permettent aux personnes malades en fin de vie et à leur entourage de trouver des solutions conformes à leur dignité et à la déontologie des soignants, même si, comme chacun le constate, cette loi n’est pas assez connue, tant au sein du corps médical que dans l’ensemble de la société.

La proposition de loi de nos collègues députés Alain Claeys et Jean Leonetti est critiquée par ceux qui craignent que les évolutions successives du droit ne poussent les personnes en fin de vie à considérer que leur existence est une charge pour les autres, mais aussi par ceux pour qui la vie relève du sacré. Elle n’est pas moins critiquée par ceux qui réclament le droit à une assistance médicalisée pour mourir ou au suicide assisté.

La commission des affaires sociales partage pour sa part l’objectif des auteurs, qui est de compléter sans rupture la législation en vigueur depuis plus de quinze ans. À nos yeux, il n’y a dans ce texte aucune ouverture vers l’assistance médicalisée pour mourir ou le suicide assisté. La commission a estimé que la proposition de loi définissait un juste équilibre entre la volonté du patient et le savoir médical, entre l’obligation de préserver la vie humaine et les souhaits de chacun quant aux conditions de sa fin de vie.

Afin de préciser certaines dispositions du texte et de limiter le caractère automatique des décisions concernant la fin de vie, elle a néanmoins adopté douze amendements sur les articles 1er à 14. Mon collègue corapporteur, Michel Amiel, vous présentera les principales modifications adoptées. Je m’en tiendrai pour ma part aux articles 8 et 9, relatifs respectivement aux directives anticipées et à la personne de confiance.

L’article 8 rend opposables aux médecins les directives anticipées. Cette évolution est notable, car, à l’heure actuelle, elles n’ont de valeur qu’indicative et deviennent caduques au bout de trois ans si elles ne sont pas renouvelées.

Le renforcement du statut des directives anticipées est attendu, même si seulement 2 % de la population française en a rédigé. Cela paraît de nature à rééquilibrer la relation entre les droits des malades et le savoir médical. La commission a cependant souhaité préciser les conditions dans lesquelles le médecin ne serait pas tenu de respecter les directives anticipées.

Les auteurs de la proposition de loi avaient en effet défini deux cas dans lesquels le médecin aurait la possibilité de ne pas les appliquer. Le premier cas ne fait pas débat : il s’agit de l’urgence vitale, par exemple la réanimation des personnes accidentées ou ayant fait une tentative de suicide. Le second cas était celui où les directives présentent un caractère « manifestement inapproprié ». La commission a modifié cette formule qu’elle n’a pas jugée pleinement satisfaisante, car elle pouvait aboutir, en pratique, à priver d’effet le caractère opposable des directives.

La commission a également souhaité étendre le recours à la procédure collégiale et renforcer la place de la personne de confiance.

À l’heure actuelle, cette procédure collégiale relève en effet du code de déontologie médicale, qui a valeur réglementaire. Il convient de préciser dans la loi les conditions minimales de son organisation et de prévoir en particulier l’association de la personne de confiance ou, à défaut, de la famille ou des proches qui le souhaitent.

À l’article 9, qui concerne la personne de confiance, la commission a jugé utile d’inscrire l’obligation pour celle-ci de cosigner sa désignation. Il s’agit d’éviter les cas où une personne découvre qu’elle a été désignée sans jamais avoir accepté de remplir cette mission. Cette obligation nous a paru le meilleur moyen de sécuriser le dispositif.

Avant que Michel Amiel ne prenne la parole, je souhaite rappeler que ce texte répond aux préoccupations de nos concitoyens, qu’il offre des garanties suffisantes pour les personnes les plus vulnérables sans remettre en cause l’équilibre auquel nous sommes parvenus en 2005.

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